N’est pas un journal d’humoristes. C’est un journal qui fait passer des idées par le biais de l’humour.
« »
Riss, directeur de la publication de Charlie Hebdo
Renoncement. L’histoire de Charlie se confond avec celle des «sensibilités». Dans les années 1990, l’Agrif, organisation groupusculaire de catholiques énervés, lui fait des procès à répétition, une guerre d’attrition financière. Puis cela change dans les années 2000, et ce sont des groupements islamistes qui attaquent. Dans la foulée, à des degrés divers, tout le monde s’offusque un peu plus. « Les gens se réinventent leur religion à eux, souligne Riss. L’interdiction par la société est d’ailleurs plus virulente. Chacun est son propre procureur et son propre flic. Chacun pense avoir atteint le summum de la morale. Ils se prennent tous pour des curés… Car, évidemment, ils se placent dans le camp du Bien. »
Riss s’anime quand il parle d’une partie de la gauche qui s’est vautrée dans cette facilité. «On confond le contenu et le principe. Il y a une espèce de gauche progressiste qui ne comprend pas qu’il faut laisser les lois fascistes aux fascistes. » L’expression est de Cavanna, à propos de la censure en 1978 de Détective, que Charlie défend, bien qu’il ne l’aime pas.
Ce renoncement est illustré par le New York Times. Un très grand journal qui s’est abîmé dans la cancel culture et qui a d’ailleurs récemment renoncé aux cartoons. « Au New York Times, ils ont intégré les choses, analyse Riss. Tu mises sur l’intelligence des gens, eux ils doutent. Ils ont mis ça dans leur logiciel : comment les gens vont percevoir ce qu’ils écrivent. » Cela dit, explique Riss, « il faut toujours faire de la pédagogie. Même aux lecteurs de Charlie. » Cela donne des planches hilarantes, comme celle intitulée « Le deuxième degré expliqué aux cons ».
On lui demande quand même si l’humour se perd. Ce n’est pas certain, répond Riss. « Au procès, ils ont montré des dessins de Cabu : dans le box, les mecs rigolaient. Il ne faut jamais désespérer. » On s’amuse, dans Charlie, mais pas que. « C’est
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