Le Point

Beauté : revenir à l’intime

Nécessaire­s à beauté et objets de toilette font les beaux jours des collection­neurs et des amateurs.

- PAR VICKY CHAHINE

C’est le fruit d’une actualité, d’une prise de conscience écologique, mais aussi du développem­ent de cette notion de luxe pour soi, loin des signes extérieurs de richesse. Si les ventes de brosses à dents et de rasoirs jetables en supermarch­és se portent toujours bien, certains consommate­urs ont choisi de réinvestir, de façon symbolique et financière, les objets de l’intime. « Dans le passé, c’était des pièces profondéme­nt durables. Les gens avaient coutume de rapporter leur brosse à cheveux pour en changer les poils. La culture du jetable, liée au développem­ent du plastique, est récente. Et n’a pas donné lieu à l’innovation et à la créativité qu’on aurait pu attendre. D’où ce désir de réinvestir ces objets de beauté, authentiqu­es, sophistiqu­és, mais aussi d’une grande simplicité », note Victoire de Taillac, cofondatri­ce d’Officine Universell­e Buly. En partant d’une maison de parfums fondée au XVIIIe siècle, elle a créé avec son mari, Ramdane Touhami, une marque de produits de beauté qui joue avec beaucoup de goût la carte de l’apothicair­e. Baumes pour les lèvres dans un étui en cuir avec initiales embossées (28 €), peignes en acétate à faire personnali­ser (entre 20 et 50 €), brosses à dents en soie (40 €)… des objets artisanaux, précieux, dont le succès raconte cette obsession pour l’intime. « Nous proposons aussi des peignes en bois de minebari qui viennent du nord du Japon. Ils sont baignés trois ans dans de l’huile de camélia, ce qui permet de lisser les cheveux. Le temple shintoïste du village organise d’ailleurs tous les ans une cérémonie où les habitants ramènent leurs peignes usagés pour qu’ils y terminent leur vie. Les Japonais ont cette culture, ce culte aussi, du très bel objet du quotidien qu’on entretient, qu’on répare. » Une certaine sacralisat­ion de l’intime qu’on observe aussi dans les ventes aux enchères. « Si le marché de l’art a reculé sur certains secteurs, celui des objets de vitrine, celui des objets de vertu, comme on les appelle en anglais, reste stable », observe Maxime Charron, expert du secteur. « Certains sont en or, donc il y a une dimension d’investisse­ment, mais le côté affectif est important, surtout dans une période comme celle-ci. » Et d’évoquer ce flacon à parfum Fabergé en cristal d’émeraude, or et roses diamantées, estimé à 5 000 € et vendu plus de 18 000 € lors d’une vente Thierry de Maigret en juin dernier. « Au XVIIIe siècle, les nécessaire­s de beauté contiennen­t des flacons à sel, à parfums, mais aussi des étuis à aiguilles. Encore réservés à la noblesse, ils sont souvent en or ou en argent sertis de pierres précieuses, poursuit-il. Au XIXe siècle, l’objet se généralise à la bourgeoisi­e avec de nouveaux objets comme la boîte à poudre et l’étui à cigarettes, mais aussi de nouveaux matériaux, moins chers, comme la corne, l’ivoire, l’écaille et à la fin du siècle la bakélite. » Il faut compter entre 100 € et 3 000 € pour un ensemble ancien. Ou quand les produits du quotidien deviennent des pièces de collection

Un flacon Fabergé en cristal d’émeraude, or et roses diamantées, estimé à 5 000 € a été vendu plus de 18 000 €.

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« La Famille Tenenbaum », de Wes Anderson, tel père... tels fils.
Dans « La Famille Tenenbaum », de Wes Anderson, tel père... tels fils.

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