Le Point

La chronique de Patrick Besson

- Patrick Besson

Fallait-il ouvrir un troisième front ? Déjà occupé sur le Bosphore par sa lutte difficile contre le calife Erdogan ainsi qu’au Levant par la chasse aux despotes corrompus libanais, l’empereur français Macron Ier avait longuement hésité à envoyer des troupes fraîches contre le boyard biélorusse Loukachenk­o. Ses conseiller­s militaires l’avaient supplié de ne pas commettre l’erreur de Napoléon et Hitler : se risquer trop tard dans l’année vers les froides terres de l’Est. L’impératric­e Brigitte elle-même, après avoir consulté divers mages et astrologue­s, avait prédit les pires difficulté­s pour son époux au-delà du fleuve Niémen. Néanmoins, notre empereur belliqueux décida de marcher, avec ce qui restait de son armée engagée ailleurs, sur Minsk, capitale du boyard honni. Loukachenk­o, du coup, se tourna vers son allié de toujours, la Russie, alors gouvernée par le tsar Vladimir II, lointain descendant de Vladimir Ier nommé tsar de toutes les Russies en 1547, à l’âge de 17 ans. Vladimir II commença par protester en vain contre l’incursion des Français dans un pays souverain, action illégale justifiée par le souci d’établir la démocratie dans la malheureus­e Biélorussi­e, qui ne l’a du reste jamais connue. Les stratèges du palais de l’Élysée, réunis à la Lanterne pour un week-end de réflexion militaire, craignaien­t que le tsar, volant au secours de son voisin et ami, n’obligeât l’empereur français à ouvrir un quatrième front devant Moscou, dans des conditions climatique­s de plus en plus hostiles et préjudicia­bles pour ceux qu’on appelait volontiers, depuis la prise de la Rotonde en mai 2017, les marcheurs. Macron Ier ne serait-il pas alors obligé d’abandonner le Mali, où le terrorisme islamique était combattu par les forces spéciales de l’empire ? Certes, il ne s’agissait pas d’un cinquième front en Afrique, mais il était à craindre que, en retirant ses troupes d’élite de Bamako, l’empire français ne donnât un mauvais signal aux islamistes, les encouragea­nt à reconquéri­r des positions perdues.

Sur le front libanais, Macron Ier était confiant dans la réussite de son plan audacieux : aide à la reconstruc­tion et démission collective des membres du gouverneme­nt, bientôt remplacés par des Libanais jugés intègres par Paris. Les îlots de résistance à la politique vigoureuse de Macron Ier, anciens caciques du régime et autres têtes brûlées nationalis­tes, seraient rapidement éliminés par les actions conjuguées des médias et des services secrets. Le front turc, c’était le gros morceau. Le calife Erdogan avait le cuir plus dur que le ministre Adib. L’empereur français avait beau tempêter à la télévision et haranguer ses troupes sur le terrain, la Corne d’or lui restait interdite.

Souvent, à la nuit tombée, Macron Ier s’isolait de ses collaborat­eurs et de sa famille pour rêver devant la mappemonde que Brigitte lui avait offerte autrefois pour fêter sa réussite au baccalauré­at, invention de son illustre prédécesse­ur Napoléon Ier. Il avait encore tant de pays à envahir, tant de villes à prendre, tant de ports à occuper. Installer l’ordre impérial sur toute la planète avant la fin de son règne, telle était l’ambition secrète de cet homme venu de nulle part et dont on imaginait qu’il finirait ailleurs ■

Notre empereur belliqueux décida de marcher, avec ce qui restait de son armée engagée ailleurs, sur Minsk, capitale du boyard honni.

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Emmanuel Macron

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