Mémoires (P. Labro) : heureux qui, comme Philippe…
Labro dresse l’inventaire plein de gratitude de tout ce qui l’aide à vivre. Jouissif !
«Quoi qu’il arrive, j’apprends. Je gagne à tout coup. » Cette formule de Marguerite Yourcenar est au coeur du nouveau livre de Philippe Labro, un étonnant recueil de souvenirs, de portraits, d’anecdotes, de préceptes, de conseils, d’aveux intimes et de célébrations. Serait-ce un bilan, avec ce que ce mot comporte de sinistre ? Surtout pas, non plus qu’un testament. À 84 ans, en feuilletant les carnets Moleskine où depuis toujours il consigne expériences, notes et citations, l’écrivain journaliste fredonne un bel hymne à la vie, si rude qu’elle puisse être parfois. La preuve? Il recommencerait bien, mais en plus fort. Le titre, emprunté à Jorge Luis Borges, ne dit pas autre chose.
La place manque pour détailler ici le
CV de l’auteur. Journaliste, chroniqueur (à suivre sur Lepoint.fr), écrivain (quelque 25 titres), cinéaste, parolier de chansons (pour Johnny Hallyday et Serge Gainsbourg), patron de chaîne de radio (RTL) et homme de télévision, il a tout fait. Il a connu la « pluie noire » de la dépression, il a même tutoyé la mort et su tirer de bons livres de ces épreuves. Un parcours d’autant plus remarquable qu’il n’y a pas perdu son inlassable curiosité, ni, plus rare lorsque partout règnent les passions tristes, le don d’admirer.
Action de grâces. On trouve dans cet ouvrage quantité d’éloges et de remerciements, comme un air d’action de grâce. Voici des grands hommes (Churchill, de Gaulle, Einstein, Stephen Hawking et Simon Leys), des mentors (Pierre Desgraupes, Pierre Lazareff, Henri de Turenne, immenses journalistes un peu oubliés), voici des infirmières et des médecins, des metteurs en scène (JeanPierre Melville) et des comédiens (Fabrice Luchini, qu’il a lancé, et Jean-Louis Trintignant, qu’il a maltraité), des écrivains (Tom Wolfe,
La Fontaine, Romain
Gary et Stendhal, dont il commente le célèbre sigle SFCDT
– Se Foutre Carrément De Tout). Et puis, essentiels, voici ses parents,
Netka et Jean, qui furent des Justes parmi les nations, voici sa famille et sa femme, Françoise, sa « rencontre miraculeuse ». Enfin il y a les listes. Récurrentes. À la façon de Georges Perec et de son Je me souviens, Labro y énumère tout ce qu’il aimerait emporter. L’infime y côtoie le sublime, le goût d’un jambonbeurre, les Impromptus de Schubert, le parfum des glycines, le courage de Badinter. Ce doit être ça, une formidable leçon de vie
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J’irais nager dans plus de rivières, de Philippe Labro (Gallimard, 304 p., 20 €).
L’écrivain journaliste fredonne un bel hymne à la vie, si rude qu’elle puisse être parfois. La preuve ? Il recommencerait bien.