Le Point

« Notre histoire ne s’explique que par le monde »

Michelet avait raison : la France s’est construite en allant voir ailleurs. Aussi, en cette année particuliè­re qui a vu la planète se figer, Le Point vous invite à prendre le large en mots et en images.

- PAR FRANÇOIS-GUILLAUME LORRAIN

Les voyages forment la jeunesse, mais aussi un pays. En ces temps de limitation­s kilométriq­ues, nous avons repensé à des périples illimités qui s’étaient passés d’attestatio­n. La France, nous rappellent-ils, fut hardie voyageuse, ivre d’aventures, avide d’admirer et de s’enrichir, à tous égards, au contact des autres peuples. Nous descendron­s le Mississipp­i au XVIIe siècle, nous referons avec quelques clandestin­es les premiers tours du monde à la voile, nous arpenteron­s les déserts mauritanie­ns, nous irons nous enivrer de chefsd’oeuvre italiens, nous tenterons d’entrer dans Lhassa, ville interdite, nous déposerons des colis par-delà les Andes, nous irons à Damas sur les traces de la première photo en couleurs parue dans la presse…

« L’histoire de France, prétendait Michelet, ne s’explique que par le monde. » Cette phrase, qui a pu servir d’enseigne à une histoire mondialisé­e de notre pays, reprenons-la à notre compte. Mais ces 80 pages racontent différente­s histoires de France et en proposent diverses idées. «Car la France fut pleine d’idées d’elle-même, porteuse d’idées très contrastée­s, en débat avec soi, et non assurée, ayant toujours su ce qu’elle était », nous confie Romain Bertrand, qui dirigea ce magnifique ouvrage, L’Exploratio­n du monde (Seuil).

Une nation, comme un individu, voyage aussi parce qu’elle se cherche, dans l’espoir de mieux se trouver, par la confrontat­ion surprenant­e avec l’autre, un homme, un paysage, un monument ou une oeuvre. Cette exploratio­n du monde, des Français de tous bords s’y sont livrés à leurs risques et périls. À l’époque, on ignorait encore le télétravai­l. S’ils n’eurent pas, comme les Anglais, la tradition du « Grand Tour » pédagogiqu­e, ils eurent vite des fourmis dans les jambes et l’envie d’aller voir au-delà d’un pays constitué précocemen­t. Gageons qu’il y eut le désir de faire rayonner loin le prestige de la France. Quand Cavelier de La Salle part à la recherche de terres qu’il appellera la Louisiane, il agit au nom d’un roi, Louis XIV, qui porte ce nom. Mais il oeuvre aussi par curiosité pour les tribus qu’il rencontre en chemin, avec lesquelles il fait route, prend langue. Quand Bougainvil­le se lance en 1767 dans la première circumnavi­gation, c’est avec la bénédictio­n de Louis XV, au lendemain d’une lutte acharnée avec les Anglais et les Espagnols autour du Canada et des Malouines. Mais parce qu’il croit aussi à la science, universell­e et non seulement française, ses frégates embarquent des scientifiq­ues qui feront moisson. Il en va de même de nos botanistes, empressés d’explorer des territoire­s encore vierges, auxquels le Muséum national d’histoire naturelle mais aussi la science doivent tant. De même, enfin, des casse-cou de l’Aéropostal­e et d’autres lignes privées : ex-pilotes de guerre, ils ont la fibre patriotiqu­e, engagés dans une rude compétitio­n avec la Lufthansa et les Anglais. Mais un autre idéal les

La France fut hardie voyageuse, ivre d’aventures, avide d’admirer et de s’enrichir, à tous égards.

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