Fentanyl : abus et dépendance
ANTIDOULEUR OPIOÏDE Michael Jackson, Prince, Whitney Houston, Tom Petty : la liste des célébrités mortes d’une trop grande consommation d’antidouleurs ne cesse de s’allonger. Après la malbouffe, qui a changé les habitudes alimentaires françaises, la consommation débridée d’antidouleurs par les Nord-Américains gagne-t-elle l’Hexagone ? Le fentanyl transdermique et transmuqueux à action rapide est trop largement prescrit, au risque d’entraîner des mauvais usages, des addictions, des intoxications et des décès chez les patients, constate le Réseau français des centres régionaux de pharmacovigilance. Cet antidouleur opioïde permet d’obtenir un effet antalgique en quelques minutes.
Il est commercialisé depuis 2002 sous des noms variés (Fentanyl, Abstral, Actiq, Breakyl, Effentora, Instanyl, Pecfent, Recivit). Ces spécialités sont normalement destinées exclusivement au traitement des accès douloureux paroxystiques chez les patients adultes souffrant d’un cancer et recevant déjà un traitement de fond opioïde pour des douleurs chroniques. Or, d’après les données recueillies depuis le début du suivi, il y a plus de dix ans, les recommandations n’ont jamais été respectées. Plus de la moitié des prescriptions (56 %) se font hors de ces indications retenues par l’autorisation de mise sur le marché (AMM). La très grande majorité de ces ordonnances de fentanyl à action rapide hors AMM est rédigée par des médecins généralistes en exercice libéral. Le traitement de fond préalable manque ou est insuffisant chez un tiers des malades. Dans 41 % des cas, le médicament est pris au-delà de la dose à laquelle le risque de surdosage opioïde est majeur. Le nombre de surdoses a plus que doublé entre 2015 et 2019 (13 % contre 5 %). Enfin, les problématiques d’abus et de dépendance augmentent : elles concernent 47 % des patients en 2019 contre 32 % en 2015. La plupart de ces patients touchés par l’abus ou la dépendance ont des douleurs rhumatologiques ou neurologiques sans cancer pour lesquelles, de surcroît, le fentanyl transdermique ou transmuqueux est inefficace. Même si les décès liés aux opioïdes sont 100 fois moins nombreux en France qu’aux États-Unis, il serait judicieux de bien les prescrire
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