« Jouons les tendances structurelles »
Pour Lars Kalbreier, le nouveau directeur des gestions de la banque privée du groupe Edmond de Rothschild, les marchés resteront bien orientés en 2021.
Le Point: Les marchés ne surestiment-ils pas la reprise?
Lars Kalbreier: Je ne le pense pas. Plusieurs facteurs militent pour la poursuite de la hausse. L’élément déterminant est le potentiel de réouverture des économies, rendu possible par la multiplication des vaccins. Le deuxième, c’est le changement de rhétorique de la Banque centrale américaine, qui, désormais, accepte que l’inflation puisse cohabiter avec une politique de taux bas, ce qui laisse augurer que ceux-ci perdurent jusqu’en 2023. Troisième facteur : la forte croissance de l’épargne des ménages depuis la crise sanitaire.
Pour en profiter, quelle allocation d’actifs recommandez-vous?
Je suggère une approche court terme pour 20 % du portefeuille actions et long terme pour le reste. À l’horizon de six mois, des entreprises cycliques, leaders dans leur secteur d’activité, bien gérées, massacrées du fait du Covid-19 dans des secteurs tels que l’hôtellerie, les voyages, le transport… devraient d’autant plus profiter du rebond que leur univers concurrentiel est moindre du fait de la crise. À plus long terme, il faut jouer les tendances structurelles dont la crise a accéléré l’émergence : la numérisation, bien sûr, mais aussi la robotique comme réponse à la déglobalisation des chaînes de production. Pour rapprocher la production et répondre au souhait des consommateurs de réduire l’empreinte de CO2, seule la robotique permettra de diminuer les coûts de production. Il faut aussi s’intéresser à la transition énergétique, à la télémédecine, à l’e-commerce, à la cybersécurité, aux changements de mode de consommation (développement de plateformes de services de location…), à l’agriculture technologique… Enfin, il faut investir dans la thématique ESG (environnement, social, gouvernance) pour au moins trois raisons : les plans de relance y consacrent une part importante, les États-Unis y reviennent en développant une économie verte compétitive fondée plus sur l’innovation que sur la régulation comme c’est le cas en Europe, et, enfin, les technologies vertes sont devenues rentables indépendamment des subventions.
N’y a-t-il pas un risque de bulles, notamment sur les secteurs de la tech, de la transition énergétique?
Non. Leur valorisation peut certes paraître élevée, mais nous ne sommes qu’au début de l’accélération de ces tendances, qui auraient émergé même sans le Covid-19, mais en prenant plus de temps. Leur croissance bénéficiaire est très prometteuse.
Vous êtes très positif sur la Chine. Quel pourcentage peut-elle représenter dans le portefeuille actions d’un ménage français?
Nous avons retiré la Chine des pays émergents. Le pays est sorti le premier de la pandémie, affichant une croissance positive dès 2020. Pour preuve, 99% des vols domestiques ont rouvert contre 60 % aux États-Unis et moins de 30 % en Europe. Nous tablons sur une croissance de 9,8 % en 2021. Mais, surtout, le pays a acquis un leadership dans beaucoup de nouvelles technologies. Il dépose aujourd’hui davantage de brevets que les États-Unis.
La reprise de l’inflation vous inquiète-t-elle?
C’est davantage une menace pour les obligations que pour les actions. Il n’y a que peu de corrélation entre le rebond de l’inflation et la performance des actions. Les banques centrales seraient contentes d’en avoir un peu, car l’inflation allège le poids des dettes. Leur crainte, c’est la déflation.
Contrairement à beaucoup de vos confrères, vous préférez le marché américain au marché européen, pourtant moins cher. Pourquoi?
L’Europe a toujours eu un écart de valorisation défavorable. Sur le plan macroéconomique, les États-Unis offrent un environnement plus favorable : un plan de relance plus agressif, une politique de vaccination plus rapide…
■
« L’inflation, c’est davantage une menace pour les obligations que pour les actions. Les banques centrales seraient contentes d’en avoir un peu. »