De Godard à Parvulesco
C’est une scène mythique : au beau milieu d’À bout de souffle, de Godard, Jean-Pierre Melville (photo) incarne un romancier inconnu, Jean Parvulesco, assailli par une nuée de journalistes et Jean Seberg. Mais qui est vraiment Jean Parvulesco? Si quelqu’un pouvait mener l’enquête, c’était bien Christophe Bourseiller. Cet amateur de trajectoires centrifuges eut en effet pour « parrain » Godard, qui le fit tourner, enfant, dans trois films. Grand ami de ses parents, le cinéaste passait souvent manger une soupe et observer les turbulences du petit « pitre plein de morgue ». « Il était mon plus grand fan. » Mais Godard et ses parents rompent en 1971. Des silhouettes d’une enfance irréelle exhumées, Bourseiller bascule vers un autre fantôme, Parvulesco, un Roumain passé par les camps qui avait noué amitié avec la « nouvelle vague » : d’où le pied de nez de Godard et le clin d’oeil à cet écrivain maudit. Mais Parvulesco vire très vite vers l’OAS, l’ésotérisme et une oeuvre pléthorique, illisible mais culte pour quelques happy few. Bourseiller la lit avec patience, avant de l’inviter pour une émission de télé, où Parvulesco reste muet. Être Godard ou Parvulesco ? Telle est la question qui taraude Bourseiller, fasciné par les frontières fragiles entre ombre et lumière et par ces créatures illuminées ■
En cherchant Parvulesco, de Christophe Bourseiller (La Table ronde, 130 p., 14 €).