Spécial placements
Depuis des années, l’assurance-vie résiste à toutes les attaques. En octobre encore, à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances pour 2021, des députés MoDem ont tenté de faire voter un amendement alignant la fiscalité de l’assurance-vie en cas de décès sur le régime des autres placements en matière de succession. Le Parlement n’a pas suivi: c’était en effet s’attaquer au placement préféré des Français – plus de 1 785 milliards d’euros investis.
S’agissant du rendement, l’assurance-vie est pourtant de plus en plus concurrencée. Son originalité est de proposer un fonds en euros, un placement sûr qui ne peut pas baisser – les performances acquises étant capitalisées –, qui garantit un taux minimal de rémunération et qui est liquide, l’épargne pouvant être récupérée à tout moment. Ce placement répond donc à tous les profils d’épargnants, à tous les objectifs (encaisse de précaution, réserve d’argent pour financer un projet, retraite…) et à tous les besoins ! Les versements peuvent être effectués à tout moment, être interrompus puis reprendre au gré de l’évolution de la situation financière de l’épargnant. Pas de minima, ou presque, et pas de plafond, contrairement à d’autres enveloppes fiscales (PEA, livret A…).
Longtemps, le taux servi fut très élevé, largement supérieur à l’inflation. Réceptacle de plus de 70 % de l’épargne investie, « le fonds en euros est indissociable de l’assurance-vie », relève Cyrille Chartier-Kastler, fondateur du cabinet d’analyses Fact & Figures. Mais voilà, avec la baisse des taux d’ intérêt décrétée parles banques central es pour contrer la crise financière de 2008 et aujourd’hui celle du Covid, la rémunération des fonds en euros s’est érodée d’année en année (voir graphique page suivante). Même si les meilleurs contrats tentent de sauver les apparences avec des taux approchant les 2% nets de frais de gestion, le taux moyen des contrats est tombé à 1,11,2 %, contre 1,46 % en 2019 et 1,8 % en 2018. « Nous allons vers un atterrissage du taux servi autour de 0,50,7 % d’ici deux à trois ans », estime Cyrille Chartier-Kastler.
Cette année encore, des fonds se sont distingués : 1,9 % pour le fonds Gaipare, 1,7 % pour l’Afer ou la MIF, 1,65% pourGMF ou encore la Ma af… (voir tableau page suivante). D’autres ont maintenu leur taux, à l’instar des compagnies d’assurances du groupe Crédit mutuel. Mais la plupart des fonds en euros des banques descendent au-dessous de 1 %. Des taux qui ne protègent plus de l’inflation et génèrent donc une ■
Les meilleurs fonds en euros livrent un rendement 2020 supérieur à 1,5 %.
perte en pouvoir d’achat de ■ l’épargne investie.
Ces différences tiennent en grande partie à l’ancienneté du contrat. Certains assureurs disposent en effet de leur provision pour participation aux excédents (PPE) – une sorte de cagnotte dans laquelle ils ont stocké du rendement non distribué et qui peut être mobilisée dans les huit années suivantes pour améliorer la performance. Gaipare comme l’Afer ont puisé cette année dans la réserve.
Enfin, profitant de l’intégration de cette PPE dans leur ratio de solvabilité, des assureurs ont pu prendre un peu plus de risques et investir en actions. Car, pour être en mesure de garantir le capital, les fonds en euros ont pour caractéristique d’être investis à plus de 80 % dans des obligations d’État, obligations qui aujourd’hui ont un rendement nul, voire négatif. « Le taux à dix ans français est passé de nul (0,12 %) à négatif (– 0,34 %), et le taux swap euro vingt ans de 0,60 à 0,01 % », commente Nicolas Boulet, directeur de la stratégie d’investissement chez Allianz France.
Diversification. Un inconvénient qui est aussi un atout, car il protège l’assurance-vie des politiques qui seraient tentées de remettre en cause son régime fiscal. Au moment où la dette publique s’emballe, pas question pour Bercy de se priver de ce débouché. Ce qui fait dire à Gérard Bekerman, président de l’Afer : « Les fonds en euros sont un trésor public bon pour la France, car ils financent les dettes publiques, les crédits aux entreprises, l’économie productive et l’emploi. »
Néanmoins, pour ne pas trop pénaliser le rendement servi à leurs clients et éviter ainsi une trop forte décollecte qui fragiliserait leurs comptes, les compagnies d’assurances limitent voire interdisent les nouvelles souscriptions sur leurs fonds en euros. En lieu et place, elles proposent des unités de compte sur des supports très variés : actions, obligations, immobilier, non coté (voir encadrés p. 68 et 70) Car un autre des atouts de l’assurance-vie est de permettre tous les types d’investissement et de faciliter les arbitrages entre ces derniers au gré de l’évolution des marchés ou de la situation de l’épargnant.
Une diversification qui rencontre un succès limité. Seul un tiers des sommes collectées se dirige vers ces supports plus risqués, au rendement incertain et aux frais de gestion plus élevés. L’assurancevie se heurte, sur ce type de placement, à la concurrence d’autres enveloppes fiscales tout aussi avantageuses, sinon plus, comme le plan d’épargne en actions (PEA) voire le simple portefeuille-titres. Résultat, si la part de ces unités de compte augmente dans le portefeuille des contrats (34 %, contre 29 % il y a un an, selon les chiffres de la Fédération française de l’assurance), c’est plus en raison d’une chute de la collecte sur les fonds en euros que d’une souscription massive d’unités de compte. Beaucoup d’épargnants refusent une « prise de risque », constate Philippe Crevel, directeur du Cercle de l’épargne. ■
Beaucoup d’épargnants refusent une « prise de risque », constate Philippe Crevel (Cercle de l’épargne)