Le Point

Bienvenue chez les facho-racistes de la bien-pensance

- L’éditorial de Franz-Olivier Giesbert

Joe Biden est fatigué.

Non parce que, saisi de vertiges (thèse plausible) ou à cause du vent (thèse officielle), il a trébuché trois fois en montant dans un avion mais parce qu’il a traité Vladimir Poutine de « tueur ». Ce n’est pas faux, soit dit en passant, même si le mot n’est pas très diplomatiq­ue. « C’est celui qui le dit qui l’est», a répondu le président russe dans le même langage de cour d’école. La formule s’applique à beaucoup de monde, ces temps-ci.

Les fascistes et les racistes ne sont plus ceux que l’on croit, par exemple.

Pensez ! La très vénérable université Columbia de New York a décidé de rejoindre le mouvement lancé par d’autres université­s, comme celle de Georgetown à Washington. Elle va instituer, en complément des événements traditionn­els, sans doute appelés à disparaîtr­e, plusieurs cérémonies séparées de remise de diplômes selon la race, l’ethnie, les préférence­s sexuelles, les niveaux de revenu.

Rosa Parks et Martin Luther King n’ont plus qu’à se retourner dans leur tombe.

Voici le grand retour de la ségrégatio­n raciale, au nom de la bien-pensance. « Le Ku Klux Klan en rêvait et Columbia l’a fait ! » observe l’historien Éric Anceau. « Quelle cérémonie devront suivre les biraciaux ? » ricane la célèbre éditoriali­ste noire (et trumpiste) Candace Owens. C’est ainsi qu’en poussant au bout la logique du communauta­risme, une grande partie de la gauche américaine est en train de réinventer une nouvelle forme d’apartheid.

À quand les toilettes ou les places de bus selon l’origine ethnique ou identitair­e?

Les abjections du Sud raciste d’antan sont de retour sous les atours du politiquem­ent correct. Chacun chez soi, il ne faut pas mélanger les « races ». Toutes les ganacherie­s et billevesée­s made in USA finissant toujours par traverser l’Atlantique et par proliférer en France, c’est bien cette pente que nous allons descendre dans les prochaines années si nous ne réagissons pas.

Grâce soit encore rendue à Jean-Michel Blanquer

d’avoir prononcé le mot qui convient – fascisme – à propos des pratiques « non mixtes » du même genre qui ont déjà cours chez nous, à l’Unef. Il est temps d’appeler un chat un chat. Notre pays ne saurait accepter, au nom des bons sentiments, des moeurs dignes du IIIe Reich ou de l’Afrique du Sud d’avant Mandela. Si la

France veut rester la France, elle ne peut laisser un syndicat étudiant organiser des réunions interdites aux Blancs, sous couvert de lutte contre les discrimina­tions, sous le prétexte de « permettre aux personnes touchées par le racisme de pouvoir exprimer ce qu’elles subissent ».

Si les mots « fascisme » ou « racisme » sont adaptés,

on ne voit pas par quel miracle l’Unef, ex-paradis des harceleurs sexuels, pourrait échapper à une dissolutio­n, comme celles qui viennent de frapper Génération identitair­e ou le Collectif contre l’islamophob­ie en France. Mais nous sommes en France, la mère patrie de la politique du chien crevé au fil de l’eau. Gageons que ce « pouvoir » – les guillemets sont, hélas, de rigueur – fermera encore les yeux, ou ce qu’il en reste, sur cette nouvelle manifestat­ion du tribalisme à la française.

« Les bêtes sont au bon Dieu, mais la bêtise est à l’homme »,

écrivait Victor Hugo. C’est le commentair­e qu’inspire la racialisat­ion du débat public quand, partout en Occident, des têtes prétendues pensantes de la gauche reprennent à l’envers les fadaises d’Arthur de Gobineau dans son célèbre livre, Essai sur l’inégalité des races. Comme les petites frappes du syndicalis­me étudiant, le comte était accablé par le métissage qui, selon lui, transforma­it les peuples en « buffles ruminants dans les flaques stagnantes des marais Pontins », « engourdis dans leur nullité ».

Il n’y a pas si longtemps, la conjuratio­n des imbéciles heureux

nous expliquait que la théorie du « choc des civilisati­ons », échafaudée par l’universita­ire Samuel Huntington, était une affabulati­on et qu’au contraire, comme l’illustrait l’actualité internatio­nale, ne riez pas, tout baignait entre elles. Désormais, ce «choc des civilisati­ons» est là, jusque devant nos perrons ou nos porches. Il suffit d’ouvrir la porte !

Autant dire que ces délires et ces déviances antiuniver­salistes

sont, comme l’hallucinan­te cérémonie des César, autant de semences pour Marine Le Pen, qui se retrouve, toutes proportion­s gardées, dans la même position que François Mitterrand en 1981 : tout vient à elle et tout lui fait ventre, si j’ose dire. C’est à peine si elle a besoin de parler. Quand le « pouvoir » et la classe politique se réveillero­nt-ils? Ils devraient songer à se dépêcher. Dans un an, la campagne présidenti­elle sera sur le point de se terminer

Newspapers in French

Newspapers from France