Serai candidat »
Le président des Hauts-de-France veut croire en son destin national. Il dévoile au Point son projet présidentiel.
Un temps, Xavier Bertrand s’est laissé griser par les charmes de la vie parisienne : les conseillers en communication qui murmurent à votre l’oreille, les costumes élégants, les dîners en ville. C’est l’époque, entre 2008 et 2010, où il virevolte entre le ministère du Travail et le siège de l’UMP. Trop heureux qu’on le classe, lui, le fils d’employés de banque, dans la catégorie des meilleurs espoirs politiques. Sa soif de revanche sociale le précipite dans une boulimie de responsabilités. Trop haut, trop vite. Lorsqu’il arpente le week-end le marché de Saint-Quentin, le portable rivé à l’oreille, il écoute à peine ses administrés. Aux législatives de 2012, ils le lui font payer : il ne doit sa réélection qu’à 200 voix. Xavier Bertrand a retenu la leçon. Il s’était perdu, il s’est retrouvé. Il a fait de son complexe social une force. À l’heure où les Gilets jaunes et les premiers de corvée du Covid ruminent les promesses oubliées du chef de l’État, il se veut le candidat de la France des «invisibles». Son livre de référence ? Les Deux Clans (Les Arènes), dans lequel l’essayiste David Goodhart dépeint deux Occident qui ne se comprennent plus : les diplômés, aisés, citoyens du monde (les « Partout »), face aux oubliés de la mondialisation, aux revenus modestes, attachés de gré ou de force à leur terre (les « Quelque part »). Son passé d’assureur de province, que les sarkozystes ont beaucoup moqué, est devenu son brevet « popu ». Il n’a pas fait l’ENA, et alors ? Il regarde Miss France et écoute Les Enfoirés, et alors? «Son problème, c’est qu’il a la gueule du type qui vient réparer la photocopieuse », griffe un ténor de droite. Mépris de classe, riposte-t-il. Le peuple, il le comprend parce qu’il lui ressemble.
On avait compris qu’il convoitait l’Élysée. C’était l’objet des railleries de la macronie. « Son souci, c’est qu’il nous annonce sa candidature tous les six mois!»
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Serez-vous candidat à la présidence de la République en 2022?
Oui, je serai candidat.
Quoi qu’il en coûte?
Je suis totalement déterminé. Dans la situation actuelle de la France, j’estime que c’est mon devoir.
Sans passer par une primaire de la droite et du centre si elle avait lieu?
J’ai une conception gaullienne de l’élection présidentielle : c’est la rencontre d’un homme ou d’une femme avec les Français, autour d’une vision et d’un projet. C’est pourquoi je ne souhaite plus m’inscrire dans la logique d’un seul parti. Je ne participerai pas à une primaire. Je respecte celles et ceux qui ont une démarche différente et je travaillerai avec tous.
Vous serez un candidat de droite?
Je m’adresse à tous les Français, dans la fidélité à mon identité. Je suis un gaulliste social, d’une droite sociale et populaire.
Sociale ou socialiste? Une partie de la droite, incarnée par Guillaume Peltier, qui est proche de vous, est sur une ligne étatiste, antilibérale…
Il n’y a pas de social sans création de richesses et sans faire le choix du travail et du progrès. Avec la restauration de l’État et le combat pour nos valeurs, c’est cela, le gaullisme. Ma famille politique dispose de nombreux talents, et je les rassemblerai tous autour de mon projet.
Emmanuel Macron a fait une OPA sur la droite. Quant au créneau social et populaire, il est bien occupé par Marine Le Pen…
Je laisse à Emmanuel Macron et à Marine Le Pen les questions de positionnement politicien. Je m’adresse aux Français. Ils savent que nous avons changé de siècle. Le défi climatique qui est devant nous est immense. Avec la crise du Covid, les Français ont compris que le centralisme parisien, que symbolise Emmanuel Macron, est fini et que la réponse se trouve dans les territoires. Les Français assistent, stupéfaits, à l’effondrement de l’autorité et à la mise en accusation de notre modèle par l’islamo-gauchisme, alors que nous sommes le pays le plus solidaire au monde. Le préalable à tout, c’est la restauration de l’autorité de l’État, c’est l’intransigeance sur nos principes et sur nos valeurs. L’identité de la France n’est pas négociable. Je dis aux Français qu’il est temps de nous ressaisir. Je leur propose d’exercer une présidence de devoirs. Avec un président qui assume la mission de chef des forces de sécurité. Je leur propose d’instaurer la République des territoires, pas une
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