Jean-Claude Gaudin passe à confesse
L’ex-maire de Marseille et pilier de la droite raconte cinquante ans de vie politique et se confie au Point.
«Maintenant, je vais tout vous raconter… » Sous ce titre alléchant, Jean-Claude Gaudin publie ses Mémoires (Albin Michel), dont Le Point livre des extraits, et c’est un événement. On ne saurait, en effet, ramener une carrière politique longue et riche à la fin de règne désastreuse d’un « imperator » octogénaire, accroché à son fauteuil, seul, frappé par la colère de « son » peuple après le drame de la rue d’Aubagne. Il faut étudier le phénomène – c’en est un – en surplomb, comme on grimpe jusqu’à la Bonne Mère, l’emblématique Notre-Dame-de-la-Garde qui domine Marseille. Et on verra, quand le temps aura fait son oeuvre, que ce chef politique à l’ancienne aura marqué de son empreinte non seulement la deuxième ville de France mais aussi la vie politique nationale, telle qu’elle fut.
On l’a oublié, mais Gaudin, c’est l’incroyable ascension d’un fils du peuple – « Rien ne m’a été donné », confie-t-il dans l’entretien qu’il nous a accordé –, devenu professeur d’histoire-géographie, qui se lance en politique à droite dans une ville que la gauche dirige depuis 1953 – même bien avant si l’on met de côté le mandat du maire RPF Carlini –, et finit par la ravir en 1995. Donné dix fois pour mort, il se maintient à sa tête pendant un quart de siècle, et aussi – ah ! le cumul des mandats – gouver durant douze ans la région Paca, siège onze ans à l’Assemblée nationale et vingt-huit ans au Sénat… Sans compter les carrières que ce Raminagrobis de la géographie électorale fit et défit comme patron du groupe parlementaire et de la commission d’investiture de l’UDF. On a dépeint cet inamovible, qui mange et respire politique, en Ogre, en Cronos dévorant ses enfants et même en serial killer. Gaudin aura été un bon client et une cible de choix. Il répond tout au long de ces 500 pages enlevées, plongée savoureuse dans les entrailles de la ville la plus tragi-politique de France, où s’entremêlent récits truculents et anecdotes croustillantes. Règlement de comptes ? « Je fais le récit de ce que j’ai vécu, assure l’intéressé au Point. Ce que je raconte, ce sont des
La désignation de la tête de liste tourne au vaudeville. De « subtils » envoyés spéciaux de l’Élysée s’emploient, au long de l’été puis de l’automne 2019, à trouver la perle rare. Ils poussent leur « formidable audace » jusqu’à investir Yvon Berland. Nombreux sont ceux qui se réjouissent de voir le président de l’université Aix-Marseille-Provence quitter ses fonctions pour la vie politique. Un homme de 67 ans pour incarner le monde nouveau ? Un candidat quasiment par défaut, dont les premières affiches, lugubres, provoquent plus d’effroi chez les Marseillais qu’elles n’illustrent la modernité invoquée par ses conseillers en communication !
Edmonde
Nous n’appartenons pas au même monde. Elle, grande bourgeoise marseillaise ; moi, fils d’artisan maçon. Elle, figure incontournable de la « gauche caviar », évoluant, depuis sa participation à l’écriture des Rois maudits de Maurice Druon, dans les sphères littéraires élitistes, de l’académie Goncourt à tout ce que la littérature française compte de notables ; moi, petit prof d’histoire-géo dans l’enseignement catholique. Deux planètes gravitant sur des orbites distinctes. […]. Aussi, quelle n’est pas ma surprise lorsque, à sa mort, l’un de ses exécuteurs testamentaires souhaite me rencontrer. Il m’indique que « Mme Edmonde Charles-Roux-Defferre a souhaité que je prenne la parole lors de ses obsèques » à la cathédrale SainteMarie-la-Majeure, en même temps que Jean Ristat – le légataire universel de Louis Aragon –, Régis Debray et Jean-Pierre Chevènement. Je ne manque pas de rappeler le mot du général de Gaulle, quand il l’avait décorée bien des années après la Libération : « Madame, vous écrivez bien mais vous votez mal. »
Tapie débarque
À en croire la petite histoire, c’est Edmonde CharlesRoux qui l’a présenté à Gaston Defferre lors d’une réception à l’Élysée en l’honneur de Mikhaïl Gorbatchev. Le maire invite Tapie à Marseille pour, officiellement, parler voile et football. En clair, pour lui proposer de reprendre l’OM, en (très) petite condition depuis plusieurs années. Nul doute que Defferre a évalué le parti qu’il peut tirer de ce « vendeur » multicartes dans le domaine politique. Il sait que son image personnelle est gravement dégradée par les péripéties des élections municipales de 1983 d’abord, par sa pathétique empoignade avec Michel Pezet ensuite. Il a besoin de réinjecter du rêve. Tapie est l’homme de la situation. De son côté, ce dernier entrevoit les perspectives qu’un atterrissage marseillais peut lui ouvrir. Surtout en bénéficiant d’un pareil parrainage. Tapie pense affaires, assurément. Politique ? S’il y songe, il ne le dit pas. Il ne s’active pour l’heure qu’autour de
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« Defferre a besoin de réinjecter du rêve. Tapie est l’homme de la situation. »