Le Point

« Rien ne m’a été donné »

Souvent attaqué et moqué, l’ancien édile de la cité phocéenne rend coup pour coup.

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jour, je n’ai jamais plus eu de différend avec Tapie.

La politique est-elle un théâtre?

Dans les hémicycles, il y a toujours un côté théâtral. Il faut séduire. Mais cela ne s’improvise pas. En 1981, tout frais président du groupe UDF à l’Assemblée nationale, je dois répondre au discours de politique générale de Pierre Mauroy. C’est la première fois que je m’exprime devant un hémicycle fourni. Par précaution, je lis la première page de mon discours tête baissée ; à la deuxième, je lève la tête et je ressens l’hostilité des élus de la nouvelle majorité issue de la « vague rose ». Mais à la fin, les députés RPRUDF m’ont applaudi, ils se sont même levés – enfin, en vous le disant, j’ai un doute sur ceux du RPR… La première fois que quelqu’un m’a dit : « Vous êtes un excellent orateur», c’était l’inspecteur pédagogiqu­e, lors d’un cours sur les guerres de Religion dans ma classe de quatrième. Après, c’est en forgeant qu’on devient forgeron. Tous les discours que j’ai prononcés étaient préparés avec soin, mais souvent je ne les ouvrais même pas.

L’art oratoire, c’est pour cela que vous êtes aimable avec JeanLuc Mélenchon ?

Mélenchon, je l’ai connu au Sénat. Depuis qu’il a été élu député des Bouches-du-Rhône, nos rapports ont toujours été de grande courtoisie. C’est un orateur plus que talentueux. Rares sont ceux qui peuvent parler devant des milliers de personnes sur le Vieux-Port de Marseille. Mais ne m’en faites pas dire plus… J’ai été l’objet de tellement de méchanceté­s et de caricature­s.

Avez-vous été malheureux ces dernières années en politique?

J’ai subi des attaques d’une violence inouïe. En 2016, on m’a reproché l’état des écoles. Sur les 470 écoles communales de Marseille, sans doute quelques-unes méritaient-elles une attention plus forte. Immédiatem­ent, nous avons engagé des sommes considérab­les. Un audit récent de la nouvelle municipali­té mentionne d’ailleurs nos efforts. Ces attaques m’ont beaucoup blessé, moi qui, comme président du conseil régional, avais fait voter et construire 30 lycées

neufs dans nos six départemen­ts. Des drames ■ m’ont affecté, et surtout celui des huit morts de la rue d’Aubagne. Même s’il aurait pu arriver dans toute ville avec un centre ancien, même aussi si j’avais conclu trois accords sur le mal-logement avec l’État, ce drame-là, je n’ai pas passé un seul jour depuis novembre 2018 sans y penser. Il aurait pu arriver n’importe où. En outre, comme nous étions en prépériode électorale, l’acharnemen­t sur moi fut considérab­le. Et rares ont été mes propres amis politiques à me venir en aide. J’ai aussi vécu le drame de l’assassinat terroriste contre deux jeunes filles, Mauranne et Laura, à la gare Saint-Charles. Je garde toujours en mémoire la mort du jeune Nicolas Bourgat, tué par un autre adolescent, et celle du petit Ibrahim Ali.

Comment avez-vous pris les critiques de votre successeur, Benoît Payan, sur votre gestion?

La violence de l’attaque m’a surpris. Nous avons laissé une situation financière très correcte. Entre 2014 et 2020, je n’ai pas augmenté les impôts et j’ai remboursé 270 millions de la dette, qui est aujourd’hui équivalent­e à celle que j’ai trouvée en 1995. Les nouveaux élus manquent sans doute de ressources financière­s à cause du Covid. Pour légitimer une prochaine augmentati­on d’impôts, il faut noircir la gestion précédente.

C’est de bonne guerre !

« J’ai connu le mépris de certains nantis, riches, hautains et distants. Moi, je suis fils de maçon, et tous mes mandats, j’ai dû les conquérir face à la gauche. »

«L’observer me rajeunit», écrivez-vous sur Benoît Payan. Il est de la même espèce politique que vous?

Oh, non (rires). Il est le représenta­nt local d’une politique que j’ai toujours combattue. On m’a reproché une déclaratio­n positive à l’issue de son élection. Or, de ma part, il s’agissait surtout d’un message d’encouragem­ent d’un ancien maire à un nouveau maire. Je souhaite qu’il réussisse pour Marseille et les Marseillai­s. Attendons de voir. Dans la vie politique, ce qui compte, c’est la réélection (rires).

La vie politique permet-elle encore des carrières longues comme la vôtre ?

Avant son élection, Emmanuel Macron m’avait questionné sur ma longévité. Je lui avais expliqué que pour réussir il fallait commencer par être parlementa­ire. « Je ne veux pas être député, mais président de la République », m’avait-il répondu. Une fois élu, à un déjeuner au Sénat, il me lance : « Vous voyez, Gaudin, je vous l’avais dit, je suis président de la République ! » Je pense que le monde nouveau ne permettra plus les carrières longues. L’actuelle Assemblée nationale nous a montré que l’absence de racines et de mandats locaux était très dommageabl­e. Le macronisme a produit des parlementa­ires hors sol, qui ne sont là que grâce à l’élection d’Emmanuel Macron.

Pourquoi parlez-vous si peu d’Emmanuel Macron ? On vous sent davantage en phase avec Brigitte…

J’ai plus de relations avec elle ; on se téléphone de temps à autre. Mais il faut reconnaîtr­e qu’Emmanuel Macron aura tout eu comme « emmerdemen­ts ». Je ne vois pas quelle personnali­té de la droite républicai­ne aurait fait

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