Le Point

Confronté au Covid et à une crise de régime sans précédent, le président russe s’isole pour verrouille­r son pouvoir.

- PAR MARC NEXON ET KATIA SWAROVSKAY­A (À MOSCOU)

Chaque jour, le décor est le même. À sa gauche, une lampe au verre blanc dépoli ; à sa droite, une corbeille de courrier vide. Entre les deux, une éphéméride à feuilles et un porte-crayon, d’où émergent cinq mines vertes. Un peu à l’écart, un ordinateur, dont l’écran affiche une photo nocturne du Kremlin. Enfin, un écran géant surplombe le bureau où défilent les bustes des interlocut­eurs. Voici l’antre de Vladimir Poutine. C’est d’ici, à Moscou, qu’il gère le pays depuis le début de la pandémie il y a un an, isolé de tout contact extérieur. Son seul compagnon est un feutre en plastique noir. Il lui fait faire des pirouettes, le pointe en direction d’un fonctionna­ire fautif, en ôte parfois le capuchon qu’il fixe d’un air las. Il s’en sert pour donner des petits coups sur le bois verni lorsqu’il fulmine contre les pays occidentau­x.

Comme ce 12 février, au cours du journal télévisé de la première chaîne. « Plus nous sommes forts et plus ils nous encerclent », lance-t-il, les mâchoires serrées. S’ensuivent des séquences de bombardeme­nts de l’Irak par les avions américains lors de la guerre du Golfe. Puis Poutine réapparaît, vantant le succès du vaccin Spoutnik V. « Au début, ils en rigolaient… Le patriotism­e est au coeur de l’avenir de la Russie », conclut-il. Fin des nouvelles du soir. Le président a occupé la moitié du temps d’antenne. Demain il reviendra, filmé depuis son «bunker», devenu une métaphore du pays. À 68 ans, Poutine se surpasse et fait taire les rumeurs qui le prétendent atteint d’une leucémie ou de la maladie de Parkinson. « Il a passé deux heures et demie avec nous après avoir enchaîné trois heures avec ses ministres et deux heures avec son conseil de sécurité, il est en forme », raconte un participan­t à l’une de ses visioconfé­rences.

En forme mais chahuté. D’abord hors des frontières, avec le changement de ton radical de Washington. Finies les paroles bienveilla­ntes de Donald Trump, Poutine subit le feu nourri de Joe Biden. «Est-il un tueur ? » demande un journalist­e de la chaîne

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