Le pavillon des fous
Chaque mercredi, Joy Sorman a partagé la vie du pavillon 4B. Un grand reportage littéraire.
«Ce qui frappe quand on y entre pour la première fois c’est l’odeur, elle flotte en nappes molles, une odeur de collectivité et de macération, de légume bouilli et de détergent, de sauce refroidie et d’inquiétude, âcre, insistante, une odeur d’enfermement. » La romancière Joy Sorman livre avec À la folie un reportage littéraire hanté et captivant dans un lieu de tous les fantasmes : l’asile psychiatrique.
Pendant un an, chaque mercredi, elle a été autorisée à circuler dans le pavillon 4B, avec ses douze lits, sa chambre d’isolement et ses lieux de partage. Et elle donne voix à ceux qu’elle y a croisés, avec une immense compassion mais aussi une énergie explosive. On rencontre ainsi « Franck le loup-garou », « qui se décrit comme une herbe folle arrachée à la va-vite, du chiendent à éradiquer – sous ses pieds c’est friable, c’est instable, de la mauvaise terre, sèche et caillouteuse. » Arthur, 38 ans, dépressif, « qui dit je m’émiette, je m’épluche, je n’existe pas, si au moins j’existais je pourrais me détruire ». Maria, pour qui l’autorisation d’aller à la cafétéria est une fête. Les soignants, empathiques et débordés.
Il y a dans ce livre un tableau cruel de l’institution psychiatrique aujourd’hui et de ses moyens dérisoires, autant qu’une série de portraits saisissants d’êtres à la dérive – et de la part de mystère que leur basculement comprend. C’est bien en romancière que Joy Sorman questionne la frontière friable qui sépare la norme de la folie. On en sort sidéré et bouleversé
■
À la folie, Joy Sorman, Flammarion, 280 p., 19 €.