Le Point

Le pavillon des fous

Chaque mercredi, Joy Sorman a partagé la vie du pavillon 4B. Un grand reportage littéraire.

- SOPHIE PUJAS

«Ce qui frappe quand on y entre pour la première fois c’est l’odeur, elle flotte en nappes molles, une odeur de collectivi­té et de macération, de légume bouilli et de détergent, de sauce refroidie et d’inquiétude, âcre, insistante, une odeur d’enfermemen­t. » La romancière Joy Sorman livre avec À la folie un reportage littéraire hanté et captivant dans un lieu de tous les fantasmes : l’asile psychiatri­que.

Pendant un an, chaque mercredi, elle a été autorisée à circuler dans le pavillon 4B, avec ses douze lits, sa chambre d’isolement et ses lieux de partage. Et elle donne voix à ceux qu’elle y a croisés, avec une immense compassion mais aussi une énergie explosive. On rencontre ainsi « Franck le loup-garou », « qui se décrit comme une herbe folle arrachée à la va-vite, du chiendent à éradiquer – sous ses pieds c’est friable, c’est instable, de la mauvaise terre, sèche et caillouteu­se. » Arthur, 38 ans, dépressif, « qui dit je m’émiette, je m’épluche, je n’existe pas, si au moins j’existais je pourrais me détruire ». Maria, pour qui l’autorisati­on d’aller à la cafétéria est une fête. Les soignants, empathique­s et débordés.

Il y a dans ce livre un tableau cruel de l’institutio­n psychiatri­que aujourd’hui et de ses moyens dérisoires, autant qu’une série de portraits saisissant­s d’êtres à la dérive – et de la part de mystère que leur basculemen­t comprend. C’est bien en romancière que Joy Sorman questionne la frontière friable qui sépare la norme de la folie. On en sort sidéré et bouleversé

À la folie, Joy Sorman, Flammarion, 280 p., 19 €.

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Joy Sorman raconte la vie de Franck, Arthur ou Maria avec une énergie explosive.
Compassion. Joy Sorman raconte la vie de Franck, Arthur ou Maria avec une énergie explosive.

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