Le Point

Et le piège s’est refermé sur la droite

Depuis bientôt dix ans dans l’opposition, la droite peine à proposer un corpus doctrinal clair et cohérent. Sans réel leader, elle ne peut se contenter d’être ce que n’est pas la gauche ou Emmanuel Macron. Son salut viendra-t-il de la force de ses élus lo

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Tandis qu’une gauche renoue avec un exercice conflictue­l de la politique, avec pour ambition de « changer la société », d’abattre les derniers pilastres de l’ancien monde, d’imposer l’écriture inclusive et de considérer les citoyens à l’aune de leurs origines ethniques, la droite « réactionne », s’indigne, éructe… Elle met ses forces dans l’alerte et moins dans l’expression d’un contre-projet, comme la Révolution avait engendré un esprit contre-révolution­naire et Mai-68, la manifestat­ion monstre du 30 mai. « Aujourd’hui, on est révolution­naire ou on est antirévolu­tionnaire. Et si l’on est antirévolu­tionnaire, on est libéral et démocrate, ainsi que je le suis », déclarait Raymond Aron dans les années 1970.

Aujourd’hui, la droite est pareille à ce gardien de musée assoupi qui bondit de sa chaise dès lors qu’un visiteur aurait l’intention d’outrager une oeuvre, de franchir la ligne au sol. Cette droite ne manque pourtant pas d’incarnatio­n : elle est Valérie Pécresse, Xavier

que le parti qui a fait de l’identité nationale un thème central dans sa réflexion peine à définir la sienne.

Après la présidenti­elle de 2012 et la victoire de la gauche, l’individual­isme a gagné les rangs de la droite. C’est chacun pour soi. Les ministres trentenair­es sous Sarkozy se sont pris à rêver d’un destin présidenti­el. Ils ont atteint aujourd’hui la cinquantai­ne sans rien renier de leurs ambitions. Ils ne se sont pas seulement émancipés de leur chef, Sarkozy, ils se sont aussi émancipés, pour certains, du parti LR, fondant leurs propres écuries. Comme ils sont de leur époque et ont l’expérience du pouvoir, ils se révèlent de bons gestionnai­res en même temps que des experts de la communicat­ion. Mais où sont leurs idées ? Où est la promesse ? Quelle (contre-)révolution promeuvent-ils ?

En Île-de-France, eu égard à sa sociologie, Pécresse axe ses politiques sur l’environnem­ent et la mobilité. Dans les Hauts-de-France, Bertrand déploie une politique économique et sociale. En Auvergne-Rhône-Alpes, Wauquiez fait lui aussi du social, mais avec des accents identitair­es.

Les penseurs de la droite ont eux-mêmes quitté les arènes, comme s’ils avaient finalement intégré l’hégémonie de la gauche dans le domaine des idées. Le libéral Raymond Aron ou le gaullo-royaliste Pierre Boutang, qui étaient aussi des théoricien­s du pouvoir, n’ont pas d’héritiers. Les penseurs de droite réservent leurs idées pour les livres ou pour les chaînes de télé qui daignent leur offrir le micro, en espérant qu’ils pourfenden­t la dernière invention de la gauche indigénist­e. La droite commente l’actualité, on y revient…

La gauche est son adversaire en même temps que son « influenceu­r ». Renonçant à sa mission gaullienne de rassembler une majorité au-delà des clivages ou à l’ambition giscardien­ne de réunir deux Français sur trois autour du projet d’une société libérale, la droite s’est lancée à la recherche d’un peuple, puisque la gauche en a un. Elle a cru le trouver avec la Manif pour tous, une fédération d’associatio­ns attachée à la tradition et à l’identité, puis, sur le terrain social, avec les Gilets jaunes. « Depuis 1958, la droite française était associée à la nécessité de gouverner le pays et donc à la quête d’une majorité : le risque désormais est de participer à la désagrégat­ion nationale », écrivait, en 2018, feu notre collaborat­eur Frédéric Lazorthes.

La France a besoin d’une droite, comme en Angleterre ou aux États-Unis, ne serait-ce que pour assurer ce mouvement de balancier qui est la définition, peut-être la première, de la démocratie

Les penseurs de droite réservent leurs idées pour les livres ou pour les chaînes de télé, en espérant qu’ils pourfenden­t la dernière invention de la gauche indigénist­e.

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