Guillaume Tabard : « Le renouveau de la droite passera par la rupture »
Pour l’auteur de « La Malédiction de la droite » (Perrin), celle-ci affronte un « dilemme idéologique ».
Quatre ans après son échec cuisant face à Emmanuel Macron et Marine Le Pen, deux ans après sa déculottée aux europénnes, la droite partisane n’a toujours pas résolu le dilemme révélé par ces échecs. Entre la tentation de l’alliance avec LREM et la détestation de celui qui a gagné, pense-t-elle toujours, « par effraction », entre une conception libérale-conservatrice et le rêve de l’appel au « peuple », elle se cherche encore. C’est le constat que dresse Guillaume Tabard, éditorialiste politique au Figaro et sur Radio Classique et coauteur avec Jean-Christophe Buisson d’un éclairant ouvrage sur « Les Grandes Figures de la droite » (Perrin).
Le Point: Dans quel état se trouve la droite? Guillaume Tabard:
La droite ne s’est pas remise du traumatisme électoral de 2017, qui a réveillé ses vieux démons et ses haines internes. Elle n’a pas su comprendre le phénomène Macron : elle a eu le sentiment d’une prise de pouvoir indue et provisoire, alors que le macronisme bouleversait les repères idéologiques en profondeur.
En arrivant par la gauche avant de s’attaquer à la droite ?
Élu grâce à l’effondrement de la gauche, Emmanuel Macron a d’abord occupé le terrain de la droite: en matière économique et sociale, en menant des réformes que la droite avait promises sans jamais les faire (ISF, taxe à 30 % sur l’épargne, marché du travail, statut de la SNCF). Dans un deuxième temps, à cause des Gilets jaunes puis de la crise sanitaire, le chef de l’État a abandonné ce projet, sans que la droite réussisse à en profiter. Il s’est ensuite avancé sur le terrain « régalien » : sécurité, immigration, islamisme. Sur ces sujets,
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et plus encore sur les questions identitaires et ■ mémorielles, la synthèse macronienne n’est pas achevée – et parfois brouillonne. Mais la droite peine à dire autre chose que : « Il ne va pas assez loin. » Et la virulence de la gauche sur son action régalienne renforce cette impression d’une « dérive » à droite. Enfin, une forme d’autoritarisme et d’exercice solitaire du pouvoir n’est pas forcément pour déplaire à un électorat de tradition bonapartiste et gaulliste.
Pourquoi la droite n’a-t-elle pas cherché à s’allier à LREM pour mieux la dépasser ensuite?
Plus qu’un casse-tête des alliances, la droite affronte un dilemme idéologique. Doit-elle s’inscrire dans une recomposition libérale, autour de Macron s’il est réélu, ou avec les macronistes si son candidat parvient à l’emporter en 2022 ? Ou construire une alternative idéologique que l’on pourrait qualifier de conservatrice ? Mais la droite n’a ni su ni voulu mettre à profit ces quatre années d’opposition pour mener cette réflexion.
Conservatrice dans quel sens?
Conserver certains fondamentaux de l’idée française face aux craintes de la mondialisation, ravivées par la crise sanitaire, et face aux menaces de l’islamisme ; défendre un équilibre territorial et un mode de vie pour préserver la planète; puiser dans la culture et l’Histoire de quoi résister aux vents de la « cancel culture » venue des États-Unis ; promouvoir une politique familiale et nataliste ambitieuse : voilà un projet qui pourrait unifier la droite.
N’est-ce pas cette ligne qui a conduit François-Xavier Bellamy à son échec aux européennes?
L’échec de la liste LR aux européennes a d’autres causes que le positionnement personnel de François-Xavier Bellamy dont la cohérence intellectuelle et la sincérité ont plutôt « sauvé » cette campagne. Il est vrai qu’un certain conservatisme sociétal sur la famille et les questions de bioéthique peut sembler à rebours d’une évolution des moeurs jugée irréversible. Mais c’est aussi la noblesse de la politique de questionner le sens des évolutions. S’interroger sur l’articulation entre les libertés individuelles, créatrices, et l’individualisme de la société, destructeur, est un beau sujet de réflexion pour la droite. Se demander comment relancer la natalité, par