Le Point

Le burn-out de la démocratie française

- Étienne Gernelle ■ (1) Dans L’Archipel du Goulag.

On se prend parfois à être nostalgiqu­e de cette époque pas si lointaine où les idées les plus bêtes qui occupaient le champ politique étaient, par exemple, les 35 heures… Aujourd’hui, il faut se résoudre à suivre le tempo imprimé par les franges fanatiques, telle l’Unef, qui a admis organiser des réunions entre « racisés », c’est-à-dire interdites aux Blancs, revendiqua­nt ainsi une forme de ségrégatio­n fondée sur la couleur de peau…

Est-ce l’effet de la pandémie, qui a suspendu le temps politique traditionn­el ? Est-ce la conséquenc­e du « quoi qu’il en coûte », qui a anesthésié la controvers­e entre libéraux et keynésiens ? Ou celle d’une opposition jusqu’ici plutôt floue (lire Le Postillon p. 115 et suivantes) ? Si ce n’est qu’une affaire de nature qui a horreur du vide, alors tout reviendra vite en ordre.

On peut aussi se rassurer en se disant qu’il y eut, dans les années 1970, le temps des trotskiste­s, des staliniens et autres maoïstes, qui défendaien­t des idéologies meurtrière­s et des régimes concentrat­ionnaires. Eux aussi prospéraie­nt dans la sphère universita­ire, eux aussi croyaient que l’Histoire allait dans leur sens, car leurs adversaire­s se faisaient petits. En 1983, Jean-François Revel, dans Comment les

démocratie­s finissent, racontait déjà la « lâcheté » et le « masochisme » des Occidentau­x face aux totalitari­smes de l’époque. Les démocratie­s ont fini par l’emporter, grâce à la chute de l’URSS. Mais l’Histoire, paraît-il, ne se répète pas à l’identique.

D’autant que notre situation est plus complexe. En parallèle de l’émergence des indigénist­es, « décoloniau­x » et autres racialiste­s, accompagné­s de plus ou moins près par les apprentis sorciers de l’islamisto-marxisme, se dessine l’ascension de Marine Le Pen. Une victoire de cette dernière à la présidenti­elle n’est plus tout à fait une vue de l’esprit. Elle est gâtée par les dérives de l’Unef et consorts, et, de surcroît, plutôt mal combattue. La stratégie généraleme­nt employée contre la patronne du RN est un peu datée, trop axée, sans doute, sur l’indignatio­n, alors que son parti a beaucoup gommé ses références à l’extrême droite d’antan, pour prendre l’allure d’un populisme plus commun en Occident. Une sorte de trumpisme français. Ceci a certes de quoi inquiéter, mais, comme le montre l’exemple américain, peut-être pas – ou plus – suffisamme­nt pour être un obstacle infranchis­sable dans l’électorat.

Et si «l’accident» se produisait, comme aux États-Unis? L’élection de Marine Le Pen serait un séisme en raison du nationalis­me à front bas et du rabougrism­e – la cause de nos malheurs, c’est l’étranger, hommes et marchandis­es – sur lesquels elle a bâti son édifice. Son admiration pour Viktor Orban, par ailleurs, apporte une idée du sens qu’elle pourrait donner à l’autorité… Il faudrait également s’attendre à un déclasseme­nt accéléré pour la France. Même si Le Pen s’est récemment convertie à l’euro – on y croit ou pas –, son projet pousserait sur la voie du Frexit, nos partenaire­s européens n’ayant aucune raison de se soumettre au mélenchoni­sme qui caractéris­e ses propositio­ns économique­s.

Jean-Luc Mélenchon, justement. Le leader des Insoumis a certes bien moins de chances à l’élection présidenti­elle, mais l’addition des scores des deux dans les sondages en dit long sur l’ambiance actuelle. Les diatribes de Mélenchon et son soutien actif à des régimes tels que celui de Maduro au Venezuela contiennen­t une menace d’autoritari­sme qui n’a pas grandchose à envier à celle du lepénisme. Avec, en prime, une forme de sauf-conduit médiatique. On imagine, par exemple, ce qu’auraient déclenché les récents propos de Mélenchon – « Moi, je pense qu’il y a un problème avec la communauté tchétchène en

France » – si n’importe qui d’autre les avait tenus… L’accident autoritair­e n’est plus totalement impossible. Il faut noter que Le Pen, Mélenchon ou tout autre prophète de la manière forte seraient grandement aidés par des inepties votées sous ce quinquenna­t, notamment l’extension des pouvoirs du Conseil supérieur de l’audiovisue­l (CSA) dans le numérique. Il ne serait pas bien difficile à un pouvoir déterminé de le convertir en commission de censure.

Cela dit, il y a peut-être une forme d’anachronie à penser le burn-out démocratiq­ue seulement en termes de répression étatique. De même que les meutes numériques peuvent exercer une forme de censure par étouffemen­t, l’insécurité diffuse peut se charger de l’intimidati­on physique. L’affaire de l’IEP Grenoble, dans laquelle deux enseignant­s ont dû être protégés par la police après leur dénonciati­on comme « islamophob­es » par des étudiants et l’Unef, en est un exemple. « L’homme qui n’est pas intérieure­ment préparé à la violence est toujours plus faible que celui qui lui fait violence », écrivait Soljenitsy­ne (1), qui connaissai­t son sujet. La France est-elle préparée ?

En parallèle de l’émergence des « décoloniau­x » et autres racialiste­s, ainsi que des apprentis sorciers de l’islamisto-marxisme, se dessine l’ascension de Marine Le Pen.

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