Quand les architectes français redessinent l’Asie Gares, aéroports, centres culturels… La Chine et la Corée misent sur eux.
L’architecture sans frontières. Premier cabinet d’architectes privé en France, l’agence Valode & Pistre réalise plus de la moitié de son chiffre d’affaires (40 millions d’euros) à l’étranger. Après l’ouverture du plus grand centre de congrès européen (15 000 places) au Parc des expositions de Paris Expo Porte de Versailles, ces maîtres d’oeuvre tricolores ont décroché un nouveau record : le plus grand centre de conventions et d’expositions du monde, inauguré début 2020 à Shenzhen, près de Hongkong. « Rien n’est trop grand et tout est possible dans la Chine du XXIe siècle, dont l’aventure constructive rappelle l’épopée des grands projets bâtis en Amérique au XIXe siècle », commentent Denis Valode et Jean Pistre.
La présence d’architectes français en Chine ne date pas d’hier. Du fameux Opéra de Pékin (Paul Andreu) au tout nouvel aéroport Beijing-Daxing (ADPI), nos meilleures agences jouent des coudes pour croquer une part du très gros gâteau (Arte Charpentier, ArchitectureStudio, Anthony Bechu, Jacques Ferrier,
Alain Sarfati, Marc Mimram, Coldefy, Jean Nouvel…). L’empire du Milieu leur offre en effet un extraordinaire terrain de jeu où elles peuvent exprimer leur volonté d’entreprendre et concrétiser leur savoir-faire, à travers des bâtiments XXL reposant sur d’énormes risques financiers qui ne sont plus pris aujourd’hui en Europe. Il faut toutefois que ces cabinets aient les épaules assez larges et de gros moyens pour être en mesure d’avancer la trésorerie (frais d’études…) et de pouvoir effectuer les changements de programme, permanents, demandés par les maîtres d’ouvrage.
« Allemands, Anglais, Américains, Australiens… La rude compétition internationale s’est accrue ces dix dernières années, sans oublier l’émergence de quelques talents
locaux. Mais l’échange culturel avec l’Occident reste très important. Notre pays jouit làbas d’une image de marque sans égale, les Chinois attendent beaucoup de nous », commente Madeleine Houbart, secrétaire générale de l’Association des architectes français à l’export (Afex). D’autres exemples de succès tricolores ? Présente en Chine depuis vingt ans, Arep, l’agence d’architecture et d’ingénierie de la SNCF, réalise actuellement six gares sur la ligne qui desservira les JO d’hiver de Pékin en 2022 : « Ici, pas de hall du XIXe siècle avec des quais pour trains à vapeur. Hors d’échelle, ces objets neufs et monumentaux ont une portée symbolique et un sens politique fièrement revendiqués », commente Philippe Bihouix, directeur général d’Arep. Et, près de Shanghai, Christian de Portzamparc et son épouse Elizabeth s’apprêtent à faire coup double en livrant bientôt un centre culturel et un palais des sciences respectivement situés à l’ouest et à l’est de la Perle de l’Orient.
Signature. « Ces projets d’urbanisme ou d’architecture que nous concevons seront ensuite développés par une équipe francochinoise », recadre Dominique Perrault. Cet expert de la reconversion de friches industrielles (BNF François-Mitterrand à Paris 13e, île de Nantes, futur village des JO 2024 à Saint-Ouen et à Saint-Denis) réinvente le tissu urbain de Handan (Chine), où « deux aciéries occupent le quart de cette ville de la province du Hebei ». Le lauréat du Praemium Imperiale 2015 pousse ses pions jusqu’en Corée du Sud. Auréolé par l’iconique Université féminine Ewha, à demi enterrée dans les entrailles de Séoul, il réalise la future gare multimodale de la capitale sudcoréenne et va assurer le commissariat général de l’édition 2021 de sa biennale d’architecture et d’urbanisme. Retour vers le futur pour Jean-Michel Wilmotte, qui, dix-huit ans après avoir réalisé le terminal 1, fait à nouveau résonner le chant du coq dans l’aéroport international d’Incheon et son gigantesque terminal 2 (400 000 mètres carrés) : « Immeubles d’habitation, maisons privées, galeries d’art, salle de ventes aux enchères flambant neuve et bientôt musée sur une petite île enchantée… Notre antenne locale ne chôme pas. La Corée du Sud nous aime et nous l’aimons. » Mais, en Chine comme en Corée du Sud, le recours à un starchitecte français (ou étranger) est aussi une façon pour un client de s’offrir une signature de renom
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