Le Point

Anne Hidalgo doit faire travailler plus ses agents pour respecter la loi.

- PAR MARC VIGNAUD

Ils ont déjà battu le pavé parisien par deux fois. Le 4 février, puis le 9 mars. Dans une rare union, les syndicats représenta­nt les 54000 fonctionna­ires de la capitale, auxquels s’ajoutent 10 000 vacataires et contractue­ls, ont manifesté leur refus. Leur refus catégoriqu­e de travailler 35 heures hebdomadai­res, réparties sur l’ensemble de l’année, soit 1 607 heures par an. Car ils bénéficien­t, depuis des décennies, d’avantages, hors de tout cadre légal, qui leur permettent d’effectuer, en moyenne, seulement 1 552 heures de travail par an, grâce à 8 jours de congé supplément­aires par rapport à ce que prévoit la loi.

« Pas une minute de plus », lisait-on sur les banderoles des manifestan­ts de la CGT, de l’Unsa, de l’UCP, de Supap-FSU, de FO et de la CFTC, coincés place Saint-Gervais, près de la silhouette imposante de l’hôtel de ville. Un slogan martelé sur tous les tons. Il ne manquait que la CFDT à l’appel, syndicat peu puissant à la Ville de Paris, opposé à la méthode de la « grève préventive ».

Face à cette fronde, encore contenue, la maire de Paris, Anne Hidalgo, reste en retrait. L’ancienne inspectric­e du travail laisse son adjoint chargé des ressources humaines, Antoine Guillou, en première ligne. Âgé de 32 ans, cet ingénieur de formation, sans expérience des RH, peut se faire des cheveux blancs. Fraîchemen­t élu à la mairie du 13e arrondisse­ment, ce colosse de 1,97 m a hérité du rôle peu enviable de grand négociateu­r sur ce sujet brûlant. Il devra tenter d’apaiser la colère syndicale, qui a explosé depuis que la mairie a annoncé – tardivemen­t – sa volonté d’appliquer la loi de transforma­tion de la fonction publique portée par un ancien du Parti socialiste passé avec armes et bagages dans le camp d’Emmanuel Macron, Olivier Dussopt, ancien secrétaire d’État chargé de la Fonction publique désormais au « Budget ».

Ce texte oblige les collectivi­tés territoria­les à se conformer à la réglementa­tion en matière de temps de travail au plus tard un an après le renouvelle­ment de leurs élus. Le second tour des municipale­s ayant eu lieu le 28 juin 2020, le temps presse désormais pour la capitale… Elle doit présenter une délibérati­on en Conseil de Paris sur le sujet en juillet, au plus tard, pour une applicatio­n au 1er janvier 2022.

En quelques mois, Antoine Guillou a dû se familiaris­er avec les 324 métiers de la Ville de Paris, pour lesquels les personnels sont recrutés, pour la plupart, sur

encore « quatre jours d’hiver ■ » pour inciter les agents à prendre leurs congés pendant cette période creuse, soit 8 jours par an, pour un total de près de 11 semaines de congé… Dans un rapport antérieur, la Cour des comptes avait même épinglé l’octroi d’un jour de congé supplément­aire dit de « fête des Mères », réservé aux femmes, « manifestem­ent irrégulier ». Il a, depuis, été supprimé par la majorité d’Anne Hidalgo, au nom de l’égalité hommes-femmes.

Âpres négociatio­ns. Au total, il reste un écart de 55 heures par rapport à la durée annuelle légale de 1 607 heures. Selon la Cour des comptes, la facture atteint 74 millions d’euros « au minimum » par an sans même inclure « d’autres régimes venant réduire le temps de travail à un niveau encore inférieur à la référence de 35 heures hebdomadai­res », ainsi que les « sujétions » auxquelles sont tenus certains agents (voir tableau ci-contre) et qui donnent droit à des réductions des heures hebdomadai­res (travail de nuit, le dimanche, en horaires décalés, pénibles ou dangereux, modulation du cycle de travail, etc.).

« La tâche est difficile, je ne dis pas le contraire », reconnaît Antoine Guillou depuis son vaste bureau du 4e étage de l’hôtel de ville. Ce socialiste bon teint, ancien expert en énergie pour le think tank Terra Nova, tient à souligner qu’il agit contraint et forcé par le gouverneme­nt. « Augmenter le temps de travail, c’est aller à rebours du progrès. » D’autant plus dans le contexte de crise sanitaire où nombre de fonctionna­ires ont été en première ligne dans la lutte contre le Covid-19 avec le maintien de l’ouverture des crèches, des écoles, ou le ramassage des ordures. Alors, face à l’union syndicale contre la réforme, Anne Hidalgo – qui n’a jusqu’à présent assisté à aucune réunion – a fini par prendre la plume le 18 mars à l’adresse du personnel de la Ville : « La légaliste que je suis ne peut faire autrement que d’appliquer la loi dont je renie pourtant l’esprit. » Le risque serait de voir le préfet mettre en oeuvre le texte brutalemen­t, en

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