L’Europe trébuche sur une ottomane
Le « sofagate » n’est pas un simple imbroglio protocolaire. Il met au jour la malignité d’Erdogan et les faiblesses insignes de l’UE.
Le clergé byzantin débattait de sujets aussi abscons que le sexe des anges quand les armées ottomanes marchaient sur Constantinople au XVe siècle. L’Union européenne fait preuve du même aveuglement en se querellant sur des arguties protocolaires, alors que les libertés et le mode de vie de ses citoyens sont en danger. Le faux pas diplomatique que ses dirigeants ont commis à Ankara est triplement dommageable. Il montre la rivalité puérile des institutions bruxelloises, la médiocrité de leurs leaders et la faiblesse internationale de l’UE.
Rappelons les faits. En visite le 6 avril en Turquie pour renouer un dialogue difficile avec le président Erdogan, le président du Conseil européen, Charles Michel, et la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, sont reçus dans le palais grandiose du « néosultan ». L’Allemande découvre, interloquée, que deux fauteuils sont prévus pour trois. Toute honte bue, elle doit s’asseoir en retrait, sur un canapé. On apprendra par la suite que l’arrangement avait été validé au préalable par les services de l’ancien Premier ministre belge. Autant pour la solidarité institutionnelle européenne.
Le président turc, à qui on offrait sur un plateau l’occasion d’humilier l’UE, n’allait pas laisser filer l’occasion. La victime de sa perfidie n’est pas seulement la présidente de la Commission, c’est le projet d’« Europe puissance », de souveraineté européenne, qui est mis à mal. Comment l’Union peut-elle prétendre peser dans le monde si elle est un objet de raillerie ?
On est en droit d’attendre des chefs des institutions européennes un comportement autrement plus adulte au moment où les valeurs qu’ils sont censés défendre sont défiées sur tous les fronts. La Turquie d’Erdogan promeut les thèses dangereuses de l’islamisme politique. Elle foule aux pieds les droits humains, encore récemment lorsqu’elle a quitté la convention internationale contre les violences faites aux femmes. La