Le Point

Nordhaus : « L’avenir est dans les énergies à faible émission de carbone »

- Rapport entre les concentrat­ions de particules fines PM2.5* des pays avec leurs scores de démocratie, en 2010

aspect de celle-ci ils en ont : la nourriture ? le logement ? les soins de santé ? l’éducation ? Nous sommes passés de la marche à pied au cheval puis aux formes modernes de transport, et personne ne veut revenir en arrière. Prenez les téléphones portables. Ce sont des appareils fabuleux ! C’est l’appareil le plus chéri par ses utilisateu­rs : il y a près de 4 milliards d’utilisateu­rs de smartphone­s dans le monde aujourd’hui. Lors de la panne d’électricit­é à New York en 2019, les gens ne se sont pas inquiétés pour leurs réfrigérat­eurs, mais pour la batterie de leur portable !

Qu’est-ce que le «nouvel esprit vert»?

Mon livre, The Spirit of Green, étudie les deux versants de nos sociétés, la partie mercantile et la partie non mercantile. Je m’y interroge sur la façon d’organiser cette dernière afin de faire face aux externalit­és. Nos pays ont une longue tradition de réflexion sur le marché, depuis au moins Adam Smith, mais nous n’avons pas de pensée économique aussi organisée pour tout ce que le marché ne prend pas en compte. J’imagine que cela peut intéresser particuliè­rement le public français.

Pourquoi y inclure les pandémies?

Quand on s’interroge sur les externalit­és, positives ou négatives, provoquées par les individus en dehors du marché, on ne pense d’ordinaire qu’à l’environnem­ent – à la pollution ou au changement climatique. Mais l’enjeu des externalit­és est plus large et inclut bien d’autres phénomènes, positifs ou négatifs – en l’occurrence la pandémie de Covid-19, l’informatio­n et la désinforma­tion, ou encore les embouteill­ages.

Les problèmes environnem­entaux doivent-ils être traités par pays ou seulement au niveau internatio­nal?

La question du bon niveau de gouvernanc­e est importante. Certains enjeux sont mondiaux : il est impossible de contrôler le changement climatique autrement qu’à ce niveau. Considérés individuel­lement, les pays peuvent apporter une petite contributi­on, pas plus. Les grands pays doivent opérer ensemble. Certains enjeux sont nationaux, comme la pollution – qui, aux États-Unis par exemple, est assez bien contrôlée –, d’autres sont locaux, comme

Particules fines

qu’à la nôtre. Les externalit­és sont devenues à la ■ fois plus fortes et plus préoccupan­tes au XIXe siècle avec l’urbanisati­on et au XXe siècle avec la pollution, et c’est là que leur analyse est devenue cruciale.

Que pensez-vous de l’énergie nucléaire?

Je pense depuis de nombreuses années que l’énergie nucléaire est l’option la moins mauvaise de toutes. Les premières études sur le sujet estimaient qu’elle était dix fois plus sûre que l’énergie fossile, mais les plus récentes évoquent un chiffre de vingt fois plus. Il faut rester prudent avec le nucléaire, mais pour l’instant, nous ne savons pas mieux faire.

Vous avez peut-être entendu parler des Gilets jaunes. Faut-il renoncer aux taxes sur le carbone à cause des conséquenc­es politiques potentiell­ement explosives?

Les taxes auxquelles vous faites allusion sont mal pensées et souvent mal introduite­s. Mais surtout, ce ne sont pas des taxes sur tout le carbone mais sur l’essence. L’Australie, de même que la France, a tenté de mettre en oeuvre des taxes sur le carbone qui se sont révélées très impopulair­es ; à l’inverse, la Colombie-Britanniqu­e a introduit il y a quelques années une taxe très intéressan­te, qui, après avoir été prélevée, est rendue aux résidents de la province de deux façons : par des aides aux ménages les plus pauvres et par des réductions d’impôt pour les individus et les entreprise­s. La décision de la France était d’autant plus étonnante que votre pays dispose d’un très bon mécanisme appelé Union européenne, et notamment un excellent système de marché du carbone, qui, lui, n’a pas provoqué de fortes opposition­s lors de son lancement. Certains Européens se plaignent de l’UE, mais c’est une organisati­on multinatio­nale très puissante, le lieu évident pour gérer une politique des prix du carbone, car cette action touche plus de régions et de secteurs d’activité. Le prix du carbone sur ce marché, qui s’élève, là, à 50 euros la tonne, n’a jamais été aussi élevé.

« Certains Européens se plaignent de l’UE, mais c’est une organisati­on multinatio­nale très puissante, le lieu évident pour gérer une politique des prix du carbone. »

Que pensez-vous du militantis­me environnem­ental du type de Greta Thunberg?

Les problèmes environnem­entaux sont graves. Par exemple, de 3 à 5 millions de personnes meurent chaque année à cause de la pollution de l’air au dioxyde de soufre. Et c’est assez peu coûteux à réparer. Il est donc important d’attirer l’attention de l’opinion publique sur ces questions, parce que le marché ne va pas se corriger tout seul et résoudre ces problèmes si on ne l’incite pas à le faire. Cependant, il faut trouver des moyens efficaces pour éviter la faillite de nos économies.

Où en sont les États-Unis sur l’environnem­ent aujourd’hui?

Je ne m’inquiète pas pour nos politiques nationales. Elles sont désormais bien plus claires, et l’Agence de

 ??  ?? « The Spirit of Green. The Economics of Collisions and Contagions in a Crowded World », de William Nordhaus (Princeton University Press, 368 p., 29,95 $).
« The Spirit of Green. The Economics of Collisions and Contagions in a Crowded World », de William Nordhaus (Princeton University Press, 368 p., 29,95 $).

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