Le « sinistrisme » de cette gauche qui joue Le Pen
Mitterrand, réveille-toi, ils sont devenus fous !
De même que la France aurait besoin d’un nouveau de Gaulle qui la remette debout et la réforme de fond en comble, il faudrait à la gauche un avatar de Mitterrand qui la réinvente.
Pour bien avancer,
une démocratie a besoin de deux pieds : la droite pour produire et la gauche pour redistribuer. Force est de constater que, si la première n’est pas bien vaillante, la seconde part en biberine, comme on dit à Marseille.
Les grosses lunettes idéologiques
de la gauche l’empêchent de voir la réalité. Plus les policiers sont attaqués ou égorgés par des islamistes appelés désormais « schizophrènes radicalisés », plus elle dénonce les « violences policières », à l’image infatuée d’Audrey Pulvar, tête de liste socialiste en Île-de-France, qui jugeait « glaçante » la manifestation d’une profession qui pleurait ses morts !
Appartenant désormais à la famille des psittacidés, comme les perroquets,
la gauche s’en tient au même discours gnangnan, entre déni et radotage : c’est vrai au PS, chez les « escrologistes » d’EELV, à La France insoumise ou dans les puissants médias officiels de la bien-pensance. Un exemple parmi d’autres : tandis que des Français sont régulièrement tués dans notre pays parce qu’ils sont juifs, elle s’est obstinée à manifester, pour des raisons bassement électorales, contre l’islamophobie qui, jusqu’à nouvel ordre, n’a pas tué.
Après avoir torpillé François Hollande,
il y a quatre ans, au nom de la pureté et de la « gauchitude », une partie des frondeurs est allée à la soupe chez Emmanuel Macron, où elle a été bien servie, tandis que le reste de la gauche s’est subdivisé façon puzzle en une multitude de chapelles plus à gauche les unes que les autres, s’éloignant ainsi de toute perspective de retour au pouvoir. Tels sont les effets de son « sinistrisme ».
Le « sinistrisme » – à ne pas confondre avec la sinistrose –
est un extraordinaire néologisme, plus actuel que jamais, forgé en 1932 par Albert Thibaudet à partir du latin sinistram (gauche). Professeur érudit, drôle et bon vivant, cet homme était le grand critique littéraire de l’entre-deux-guerres – son Gustave Flaubert est un classique – qui effectua plusieurs incursions géniales dans la politologie. Notamment en résumant, en une seule expression, un travers politique de la France qui aura duré plus d’un siècle.
La pente douce de la gauche
selon Thibaudet (1) est de suivre un mouvement sinistrogyre, toujours plus à gauche toute. Au siècle dernier, le Parti radical fut peu à peu repoussé vers la droite par les socialistes de la SFIO, qui furent ensuite supplantés par les communistes, eux-mêmes détrônés, ces dernières décennies, par les trotskistes, puis par La France insoumise, comme dans une histoire sans fin.
La droite
– c’est aussi sa chance – n’a jamais subi très longtemps des poussées dextristes – d’après le latin dextram (droite). C’est pourquoi elle a tendance à raser les murs et peine à s’assumer vraiment. La preuve, le mot « droite » est rarement apparu, au cours de l’Histoire, dans les noms de ses groupes parlementaires au Palais-Bourbon. Entre quelques retours en arrière, nous avons donc vécu avec une droite de moins en moins à droite et une gauche qui dérivait de plus en plus à gauche, triste exception française.
« Il est loin le temps où la gauche pariait sur l’émancipation de l’individu »,
écrit Céline Pina, ancienne élue socialiste, dans Ces biens essentiels (2), un bijou de sincérité. Et d’ajouter : « Aujourd’hui, elle mise sur la gestion du troupeau. » Même s’il ne faut jamais dire jamais, on ne voit pas comment cette gauche couchée, idéologiquement à la ramasse et aux mains de doctrinaires, pourrait marquer des points aux régionales ou à la présidentielle.
Robespierriste, fascinée par la violence et coupée du pays réel,
la gauche de cette gauche n’a plus qu’une seule carte, conforme à ses aspirations apocalyptiques, qu’elle jouera sans doute à fond en 2022, mais en veillant à ce que ça ne se voie pas trop : l’élection de Marine Le Pen, qui rebattrait le jeu et lui permettrait de se refaire une santé, en attendant le Grand Soir. La présidente du Rassemblement national s’étant banalisée, les arguments moraux d’antan ne seront plus pertinents. Quant au « front républicain » –« Tous contre le RN » –, on peut douter qu’il fasse recette.
Marine Le Pen aussi aura ses « idiots utiles »
qui tableront sur l’hystérisation et la « trumpisation » du pays. Voyez comme ils frétillent déjà…
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1. Réflexions sur la politique, Bouquins. 2. Bouquins.