Déconfiné à Mauves
Mon déjeuner en terrasse, le 19 mai, au Café du théâtre, à Mortagne-au-Perche, dans l’Orne. Problème : les serveuses n’avaient pas de parapluie. Elles apportaient les plats en courant afin qu’ils n’arrivent pas trop mouillés. Les yeux clairs sont plus clairs au-dessus d’un masque FFP2. Première fois que je mangeais un steak-frites avec une capuche. D’habitude, je me contente d’une fourchette et d’un couteau. Autoriser la restauration en plein air le jour où la planète a cessé de se réchauffer. Pas de météorologue à l’Élysée ? Le soleil a reparu, taquin, quand Philippe Étesse et moi avons terminé notre repas. En revenant des W-C, j’ai salué les propriétaires du restaurant, qui déjeunaient à l’intérieur, car ils étaient chez eux. Dans la voiture qui nous ramenait à Mauves-sur-Huisne, je me suis demandé combien de Français mourraient d’une pneumonie après avoir été exposés au froid le jour du déconfinement. À Mortagne, mon téléphone indiquait 9 degrés.
On sait qu’on n’est pas à Paris quand il y a un centre-ville où tout le monde se gare et des rues alentour où personne ne marche. L’Orne et l’Eure, son paisible voisin, se tiennent, non sans une timidité souriante, derrière le flamboyant Calvados et la prodigieuse Seine-Maritime. Sur la carte, ils sont en retrait, comme si quelque chose les empêchait de se montrer. Ces deux départements discrets dissimulent leur beauté derrière des arbres centenaires. À la campagne, on voit mieux les nuages qu’en ville, ça doit être parce qu’il n’y a pas d’immeubles.
Avant le déjeuner, nous étions passés à l’agence Orange de L’Aigle car, la veille, Philippe avait oublié son téléphone sur une aire d’autoroute. J’en ai profité pour acheter un pyjama, une chemise et deux journaux : Le Perche et Jeune Afrique. J’aime les journaux régionaux parce qu’ils annoncent moins de mauvaises nouvelles que les journaux nationaux, et donc davantage de bonnes. Page 4, Le Perche nous apprend la reprise, par la société russe Transport Design LLC, de Noma Composites, un fabricant de pièces (pour l’intérieur et l’extérieur) du TGV en redressement judiciaire. Sur un total de 78 postes, 63 seront conservés.
Jeune Afrique est-il passé mensuel à cause de la mort de son directeur Béchir Ben Yahmed ou est-ce parce qu’il est devenu mensuel que Béchir est mort? Nous avons tous une histoire avec Jeune Afrique, et la mienne a été courte : une interview de Franz-Olivier Giesbert et une autre de JeanLoup Dabadie. Première et seule fois de ma vie où j’ai été réglé avec des billets de 500 euros. JeanEdern Hallier aussi payait en liquide, mais avec de moins grosses coupures. Je me suis fâché avec Béchir après un méchant article dans JA sur un livre dePierrePéanéditéparClaudeDurand.Aujourd’hui, tous les trois sont morts. Il ne faut jamais se fâcher. En une du mensuel, la tête innocentée de Laurent Gbagbo. À l’intérieur, une interview de Rama Yade, directrice Afrique de l’Atlantic Council, et une judicieuse chronique de la romancière camerounaise Hemley Boum, Prix Kourouma 2020. Pas encore lu le reste. C’est le problème avec les mensuels : ils sont trop gros
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« Combien de Français mourraient d’une pneumonie après avoir été exposés au froid le jour du déconfinement ? »