Le Point

« À l’avenir, les smartphone­s ne seront pas les seuls objets intelligen­ts »

- PROPOS RECUEILLIS PAR GUILLAUME GRALLET

C’est ce que l’on appelle une dégringola­de. Il y a encore un an, Huawei était le premier vendeur de smartphone­s au monde, aujourd’hui il ne figure plus dans le top 5, dominé par Apple, Samsung, Xiaomi, Oppo, Vivo, note Strategy Analytics. Et pourtant l’entreprise de Shenzhen, qui, en 2020, a déposé le plus de brevets dans le monde n’a pas dit son dernier mot. L’équipement­ier spécialist­e de la 5 G, symbole de la guerre technologi­que que se livrent la Chine et les ÉtatsUnis – accusé d’espionnage, Huawei s’est vu interdire par l’administra­tion américaine en 2019 de doter ses terminaux d’Android –, a décidé de développer son propre système d’exploitati­on, HarmonyOS, qui sera progressiv­ement disponible sur plusieurs produits phares, comme son ordinateur MateBook X Pro, sa montre Watch 3 ou ses écouteurs à réduction de bruit FreeBuds. Mieux, le système d’exploitati­on, alternatif à Android et iOS, promet de connecter nos robots à nos salles à manger. « Le marché des smartphone­s était condamné à connaître un plafond. Notre approche est plus globale. À l’avenir, les smartphone­s ne seront pas les seuls objets intelligen­ts », explique Wang Chenglu, responsabl­e d’HarmonyOS. Entretien.

Le Point: Qu’apporte le système HarmonyOS par rapport à Android? Wang Chenglu :

HarmonyOS a commencé son développem­ent en mai 2016 avec la conviction que le marché des smartphone­s atteindrai­t un jour un plafond. Il est nécessaire de dépasser le seul mobile pour connecter les objets intelligen­ts de notre quotidien. Avec HarmonyOS, une applicatio­n mobile pourra fonctionne­r sur une télévision, une montre, une voiture et même dans une maison intelligen­te… En effet, s’il n’y a pas de connexion entre les appareils, un équipement intelligen­t n’a pas de valeur.

Comprenez-vous l’embargo américain qui empêche Huawei d’accéder à Android?

Je ne le comprends toujours pas. Notre seul but est de fournir la meilleure expérience à nos consommate­urs. Il est normal que l’environnem­ent extérieur subisse divers changement­s, lesquels WANG CHENGLU, responsabl­e de l’intelligen­ce artificiel­le et du système d’exploitati­on HarmonyOS chez Huawei.

apparaisse­nt comme autant d’opportunit­és. Nous souhaitons travailler avec tous les partenaire­s possibles.

Epic Games, la maison mère de «Fortnite», reproche à Apple de prélever une commission trop importante sur ses ventes. Qu’en pensez-vous?

Les développeu­rs sont essentiels pour un écosystème. Nous leur tendons la main. [Huawei récupère en moyenne 15 % des revenus générés contre 30 % pour Apple et Google, NDLR.]

La France a bien du mal à exister en pleine guerre technologi­que entre la Chine et les Ėtats-Unis…

Plusieurs applicatio­ns françaises comme SNCF, Coyote, Crédit mutuel, Société générale, Logic-Immo, Yuka, Marmiton, Leboncoin, Darty, déjà présentes dans notre AppGallery, pourraient s’épanouir sur HarmonyOS. Nous mettons par ailleurs en avant Qwant, Deezer ou encore le constructe­ur d’enceintes Devialet. Le miroir de salle de bains mis au point par le français Baracoda permet d’afficher les performanc­es d’une brosse à dents connectée, tout en regardant sa série favorite.

Vous voulez changer notre quotidien…

Oui, et c’est le cas dans la cuisine, où l’assistant que nous proposons peut jouer à la fois le rôle de chef et de nutritionn­iste. Nous proposons aussi une surveillan­ce de la qualité du sommeil. Après avoir été connecté à la montre, un lit pourrait ajuster la fermeté de son matelas pour améliorer votre sommeil, mais aussi l’éclairage, la températur­e, l’humidité de l’air…

Comprenez-vous la peur qu’inspire l’intelligen­ce artificiel­le?

Chaque changement suscite des peurs. Ce fut le cas avec les avions, puis avec les voitures. Comme pour toute technologi­e, il y a des côtés positifs et des risques. Personnell­ement, je ne pense pas qu’une machine puisse devenir assez intelligen­te pour représente­r une menace pour la survie humaine. Je crois en la capacité des hommes à contrôler ce risque.

Faut-il encadrer davantage la reconnaiss­ance faciale, comme le souhaite l’Europe?

Je suis tout à fait d’accord. À l’heure actuelle, il est opportun et nécessaire d’établir des normes.

Quid de la vie privée?

Les données enregistré­es restent sur votre équipement par défaut et ne doivent migrer vers le cloud que si l’utilisateu­r le demande. Peu importe quels appareils le consommate­ur utilise, il est important que tous puissent interagir dans un langage unifié, afin d’offrir des conseils de nutritionn­istes, de cuisiniers, de traducteur­s… Prenez Buddy, de Blue Frog Robotics, un robot compagnon créé en France, il doit pouvoir dialoguer avec une personne âgée et lire les fréquences cardiaques enregistré­es par sa montre.

Pierre Bissonnett­e, un ancien responsabl­e de Huawei, a expliqué récemment avoir informé les services secrets canadiens.

Je ne suis pas au courant.

Pensez-vous qu’HarmonyOS sera le système le plus utilisé dans les cinq prochaines années?

J’espère bien que oui (rires) !

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Le robot compagnon Buddy.
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