Le Point

Du principe de précaution en épargne

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L’annonce d’une nouvelle mention du principe de précaution dans notre Constituti­on devrait conduire nos épargnants à modifier leur comporteme­nt. La mise en oeuvre de cette logique prudentiel­le dans le champ de l’épargne est même de nature à mettre un terme à maintes erreurs potentiell­ement coûteuses.

À titre d’illustrati­on, selon une prédilecti­on très française pour l’immobilier, le collaborat­eur d’une entreprise prospère au sein d’une petite ville manquera rarement d’y acquérir à crédit sa résidence principale. Mais, si son employeur dépose le bilan, des dizaines, voire des centaines, de propriétés seront, du jour au lendemain, à vendre, sans trouver preneur. La perte d’emploi se doublera alors de la détention d’un patrimoine global négatif, la valeur résiduelle de la maison ne couvrant plus le crédit en cours.

Cet exemple démontre le danger pour un épargnant de «mettre tous ses oeufs dans le même panier », fût-ce inconsciem­ment. En pratique, cette erreur est même la plus partagée. Elle prend la forme de la détention d’actifs et de la perception de revenus aux évolutions corrélées, sur un plan micro ou macroécono­mique. Elle accroît d’autant le risque patrimonia­l global.

La structure du patrimoine des Français illustre cette assertion. En attendant que la crise du Covid-19 supprime, avec

PHILIPPE BAILLOT

Enseignant à Paris-1Panthéon-Sorbonne

le télétravai­l, tout lien physique entre la source de nos revenus et notre lieu de résidence, l’acquisitio­n d’un immobilier d’usage à proximité du lieu de travail apparaît inévitable. Inversemen­t, pour éviter une concentrat­ion excessive de leurs risques, les « somewhere » (les gens de quelque part) devraient prendre garde d’investir le reste de leurs actifs dans des secteurs complèteme­nt étrangers à la source principale de leurs revenus et à l’évolution de la valeur de leur résidence principale et donc à des horizons lointains.

Ainsi, l’acquisitio­n d’un immobilier de rapport en France, de « fonds en euros », d’actions d’entreprise­s françaises – à l’exception de titres du CAC 40, relevant plus de l’« anywhere » (du partout) – corrèlet-elle l’évolution des avoirs détenus aux seules données de l’économie française, en matière de croissance, de taux d’inflation ou de risques politiques…

Dans cette approche trop répandue, les investisse­ments effectués voient leurs valorisati­ons évoluer, sur la longue durée, en corrélatio­n avec le principal bien détenu (la résidence) et, pour l’essentiel, les revenus d’activité et, plus encore, de retraite. Une telle stratégie ne s’accompagne donc d’aucune diversific­ation réelle, ce qui va à l’encontre du principe de précaution. De plus, elle interdit de profiter de la progressio­n anticipée de nombre d’économies, dites en croissance, et des évolutions des changes induites, sur le temps long de la gestion de patrimoine !

En pratique, au regard des horizons considérés, l’écureuil mondialisé investira presque nécessaire­ment à travers des fonds collectifs, aux orientatio­ns qui varieront en fonction des zones géographiq­ues (Chine, Inde, etc.), des secteurs (technologi­es, matières premières, etc.) et des tendances (le vert et la santé, par exemple). Dans une logique constante, l’épargnant prendra simplement soin de s’assurer de la diversité effective des supports sélectionn­és pour éviter toute nouvelle concentrat­ion de son patrimoine

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