Le Point

Sébastien Lecornu « Nous devons refuser l’“archipelli­sation” de la majorité présidenti­elle »

Exclu de LR en 2017 pour avoir rallié LREM, le ministre des Outre-mer plaide pour tendre à nouveau la main à la droite.

- PROPOS RECUEILLIS PAR NATHALIE SCHUCK

Quel regard portez-vous sur votre ancienne famille politique? Sébastien Lecornu :

Déjà, il convient de distinguer les électeurs, élus et militants, et la direction du parti, qui, elle, traverse une crise depuis l’entre-deux-tours de la présidenti­elle de 2017 : pour la première fois, il y a eu rupture avec les valeurs républicai­nes que ce parti a toujours portées [LR avait appelé à voter « contre Marine Le Pen », NDLR]. L’UMP a été créée par Jacques Chirac et Alain Juppé en réaction à l’accession de Jean-Marie Le Pen au second tour, et Nicolas Sarkozy a toujours été d’une grande fermeté face au FN. Sur les valeurs, il ne peut pas y avoir de flou ! En a découlé une crise idéologiqu­e, avec un parti renfermé dans une opposition stérile. Je ne me réjouis pas de voir cette vieille famille politique, héritière de l’UDR du général de Gaulle et du RPR de Jacques Chirac, se déliter. Les LR ont exclu ceux qui ont souhaité travailler avec Emmanuel Macron en 2017, alors que les alliances avec Nicolas DupontAign­an ou les rapprochem­ents avec le RN ne suscitent pas de réactions claires. C’est à n’y rien comprendre.

Sébastien Lecornu, ministre des Outre-mer La majorité ne contribue-t-elle pas à alimenter le RN en tentant d’éradiquer toute opposition? Vous menez la politique de la terre brûlée!

Le problème ne vient en aucun cas d’Emmanuel Macron, qui n’est pas le chef de sa propre opposition. Il vient de l’opposition, qui traverse une crise de valeurs, d’idéologie et de renouvelle­ment de ses visages. Xavier Bertrand et Valérie Pécresse, deux candidats potentiels à la présidenti­elle, ont choisi de quitter LR d’eux-mêmes, cela dit quelque chose. Nous avons tous un rôle à jouer dans ce combat face au RN : la question est de savoir qui souhaite encore le mener !

Sur l’Europe, la laïcité, le nucléaire ou la dette, LR peine à parler d’une seule voix. Qu’y a-t-il encore de commun entre un Guillaume Peltier et un Michel Barnier?

Si des gens venus de droite et de gauche parviennen­t à travailler ensemble au sein de la majorité présidenti­elle, c’est parce que nous nous sommes accordés sur un minimum de valeurs en partage : nous sommes européens ; nous croyons que l’interventi­on de l’État dans l’économie est possible tout en étant attachés à un libéralism­e politique tocquevill­ien. Sur le séparatism­e, on nous promettait un déchiremen­t, cela n’a pas été le cas, car la défense de la laïcité est un combat de gauche comme de droite. Les choses qui nous rassemblen­t sont plus fortes que celles qui nous différenci­ent. Chez LR, c’est l’inverse. Il y a une rupture entre ceux qui restent attachés aux valeurs de la droite républicai­ne, gaulliste ou libérale, et ceux qui, pour gagner ou par antimacron­isme primaire, sont prêts à épouser sans réserve la ligne du RN. De toute évidence, ce n’est plus réconcilia­ble.

Vous appelez vos anciens amis de LR à rejoindre Emmanuel Macron pour 2022?

Le sujet, ce n’est pas la présidenti­elle, c’est la France. Après une crise mondiale majeure avec le Covid et une crise bien française, celle des Gilets jaunes, nous sentons tout autant chez nos concitoyen­s un besoin fort de protection qu’une envie de liberté. Il nous reste dix mois pour agir, et j’appelle les personnes raisonnabl­es non pas à adhérer à En marche !, mais à témoigner d’un soutien clair, non partisan, à l’action du président pour le pays. En retour, cela engage la majorité présidenti­elle : nous devons avoir la main tendue, nous montrer ouverts et refuser toute forme de sectarisme comme je peux parfois, hélas, en ressentir. Nous devons aussi, dans notre ouverture, refuser une forme d’« archipelli­sation » de la majorité présidenti­elle : notre unité derrière le chef de l’État est notre force.

Vous appelez à l’union nationale face à la crise, en somme.

L’union nationale, ce n’est pas la négation des opposition­s démocratiq­ues. Non, j’appelle au courage. Dans les collectivi­tés, ce dépassemen­t ne pose pas de problème. Combien de maires de gauche comme de droite ont fait entrer des Marcheurs dans leurs conseils municipaux et nous disent en petit comité que nous n’avons pas si mal géré la crise ? Mais, dès qu’il s’agit de s’engager publiqueme­nt, ils n’osent pas… Nous avons perdu trop de temps avec des opposition­s brutales qui ont parfois dressé les élus locaux contre l’État de façon dangereuse. Cela n’aide pas à la cohésion du pays. Ce n’est pas parce que des formations politiques d’opposition ont perdu en crédibilit­é que des associatio­ns d’élus doivent s’ériger en contre-pouvoir. Ce n’est pas leur rôle

« Sur le séparatism­e, on nous promettait un déchiremen­t, cela n’a pas été le cas. »

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