Le Point

L’État mafieux, stade suprême de la révolution

Naufrage économique, dictature politique, criminalis­ation de l’État… L’autodestru­ction du Venezuela est entrée dans sa phase terminale.

- par Nicolas Baverez

La révolution bolivarien­ne lancée par Hugo Chavez poursuit la destructio­n méthodique du Venezuela. Après la collectivi­sation de tous les moyens de production pour financer les missions sociales et soutenir les pays hostiles aux États-Unis, après le basculemen­t dans une dictature implacable sous la houlette de Nicolas Maduro, elle est entrée dans une nouvelle phase caractéris­ée par la criminalis­ation de l’État et la balkanisat­ion du pays.

L’épidémie de Covid a donné le coup de grâce à un pays et à une société ramenée à l’état de jungle par le chavisme. L’économie formelle a été euthanasié­e. Alors que le pays possède les premières réserves de pétrole, devant l’Arabie saoudite, mais aussi d’immenses gisements de gaz, d’or, de bauxite, de fer, de nickel et de métaux rares, le PIB a diminué de 16% en 2017, 20 % en 2018, 35 % en 2019, 25 % en 2020 et s’apprête à régresser de plus de 10 % en 2021. L’inflation a atteint 130 000 % en 2018, annihilant le bolivar et provoquant la dollarisat­ion totale des échanges et des paiements – paradoxe ultime pour un régime qui se prétend le héraut de la lutte contre l’impérialis­me américain. Dès lors, le Venezuela a fait défaut sur sa dette extérieure abyssale de 150 milliards de dollars, entraînant la multiplica­tion des saisies d’actifs et l’appropriat­ion de ses ressources en matières premières par ses créanciers, notamment la Chine.

La population a basculé à 90 % dans la grande pauvreté, souffrant de la famine, de l’absence des produits de première nécessité, de l’effondreme­nt des services publics, notamment du système de santé. Le taux de mortalité infantile s’est envolé pour rejoindre celui du Pakistan, tandis que la tuberculos­e et le paludisme, en plus du Covid, sévissent à l’état de pandémie. L’exil reste la seule solution pour échapper à cet enfer : 5,5 millions de Vénézuélie­ns sur une population de 28,5 millions – dont 58 % sont jeunes et qualifiés – ont ainsi fui pour former des communauté­s de réfugiés dans toute l’Amérique latine.

La révolution a fini par dissoudre l’État, non pour créer une société sans classes mais pour livrer le pays à l’anomie, à la violence et à la loi des groupes mafieux – dont le pouvoir chaviste est le plus puissant. La situation est à la fois désespérée et bloquée. Le Venezuela est désormais dominé par un système mafieux. Après la liquidatio­n de l’industrie pétrolière, le pouvoir se survit à lui-même en prélevant sa dîme sur l’exploitati­on illégale de l’or et des autres matières premières ainsi que sur le trafic de drogue ou encore en manipulant les taux de change. Le régime contrôle moins de la moitié du territoire mais afferme le reste à des gangs ou des groupes terroriste­s proches des ex-Farc, qui font la loi dans des régions entières.

Les conséquenc­es de cette dérive mafieuse sont très lourdes. Le Venezuela chaviste déstabilis­e l’ensemble de l’Amérique latine en exportant, à travers la crise humanitair­e provoquée par les réfugiés, la décomposit­ion de l’État et de l’ordre public, la violence et l’extrémisme. Il est représenta­tif de l’apparition d’États faillis, qui cumulent ruine économique et financière, anomie sociale, déchaîneme­nt de la violence et criminalis­ation, à l’image de la Syrie ou du Myanmar. Il participe enfin de la constituti­on d’une internatio­nale des démocratur­es et des États criminels, unis par leur combat contre la liberté politique et l’Occident.

Pour toutes ces raisons, les démocratie­s ne peuvent rester inertes devant la tragédie du Venezuela. Le régime chaviste doit être suspendu de toutes les organisati­ons internatio­nales et les sanctions doivent être renforcées contre ses dirigeants, leurs relais économique­s et leurs soutiens

Le PIB a diminué de 20 % en 2018, 35 % en 2019, 25 % en 2020 et s’apprête à régresser de plus de 10 % en 2021.

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Calme-toi, chérie, ça arrive à tout le monde de trouver un peu de glace dans son caviar le matin.

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