Ode à l’endroit sans nom, de David Van Reybrouck
« Chanter de nouveau la beauté du corps.
À la question “les seins ou les fesses”, répondre systématiquement : “le dos”. Se remémorer les premières images de Lost in Translation. Le dos divin. La promesse de tout : un visage, une voix, une poitrine, une griserie d’une heure et demie, non, d’une vie et demie. Chaque fois de nouveau. Le dos éveille l’appétit du regard. Penser à des dos antérieurs. Les vertèbres au bas de son dos telles des pierres pour passer à gué. La Toscane de ses omoplates. (…)
Mais la plus belle partie du corps d’une femme n’a pas de nom. Ou plutôt un nom scientifique : le musculus gracilis. Le muscle gracile. Un des adducteurs de la cuisse, qui, selon la prose de l’encyclopédie populaire en ligne, émerge au niveau d’une fine plaque tendineuse, partant de la face antérieure du bord inférieur de la symphyse et de l’arc inférieur du pubis.
On pourrait dire aussi : de l’aine (…)
Chantons cet endroit sans nom. Rendons hommage à notre stupeur. Préservons l’absence de nom. »