Le Point

Exposition : deus « Ex Africa »

Le Quai Branly orchestre un fructueux dialogue entre des artistes contempora­ins et les arts anciens d’Afrique.

- PAR VALÉRIE MARIN LA MESLÉE

Ex Africa semper aliquid novi (« Toujours l’Afrique apporte quelque chose de nouveau »), disait Pline l’Ancien, et l’exposition du Quai Branly-Jacques Chirac (dont Le Point est partenaire), prolongée jusqu’au 11 juillet, lui donne tellement raison ! Comment 34 artistes contempora­ins et leurs 150 oeuvres en provenance, certes, du continent et de sa diaspora (Hazoumé, Pascale Marthine Tayou, Mihindou…), mais pas seulement (Lavier, Sarkis, Alberola, Mercier…), ont tissé une relation avec les arts « classiques » (ou « anciens ») de l’Afrique, entre 1984 et aujourd’hui ? Tel est l’axe d’« Ex Africa ». La période des quarante dernières années se réfère à l’exposition du MoMA, « Primitivis­m », alors focalisée sur la façon dont les avant-gardes se saisissaie­nt de l’art que l’on nommait encore « tribal », sans s’intéresser, pour elles-mêmes, aux oeuvres du continent englobées sous le terme « primitif ». À l’encontre de ce point de vue « occidental­o-centré », le critique et historien de l’art Philippe Dagen, fort de son « empathie depuis plusieurs décennies » pour les arts anciens d’Afrique, et de sa vigilance à suivre in situ les artistes contempora­ins africains, a repéré ceux qui, d’ici et d’ailleurs, entrent en dialogue avec l’art du continent, dans un parcours conjuguant étonnement et émerveille­ment.

Enjeux. Trois séquences rythment son exposition : «Pop», avec Chéri Samba en cicérone, «Métamorpho­ses », où se côtoient des travaux davantage axés sur les visages, avec une « rotonde des masques » particuliè­rement réussie, mais aussi les corps et les silhouette­s (voir les collants-totems d’Annette Messager). Et enfin « Activation », où les oeuvres sont plus engagées, sur l’immigratio­n, le despotisme ou encore la restitutio­n des oeuvres d’art à l’Afrique. Kader Attia invente à ce sujet un puissant face-à-face entre des reproducti­ons de masques semblant regarder les vidéos où s’expriment des Souleymane Bachir Diagne, Felwine Sarr et autres intervenan­ts passionnan­ts. L’enjeu résonne d’autant que, à quelques pas de là, se trouvent les collection­s africaines du Quai Branly, encore récemment enrichies par la donation Ladreit de Lacharrièr­e. Admirer les arts anciens d’Afrique pour mieux revenir à « Ex Africa ». Et vice versa

« Ex Africa », jusqu’au 11 juillet au musée du quai Branly-Jacques Chirac, à Paris. À lire : le catalogue Ex Africa, sous la direction de Philippe Dagen (Gallimard/musée du quai Branly-Jacques Chirac, 256 p., 42 €). Interview des artistes sur Lepoint.fr.

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 ??  ?? D’ailleurs, d’ici, d’aujourd’hui et de toujours.
À g., gobelet de frites McDonald’s, pièce dans l’installati­on des Britanniqu­es Dinos et Jake Chapman (2002). Au centre, masque (1997) de l’Américain David Hammons, présenté dans la rotonde. Ci-contre, photograph­ie de Léonce Raphaël Agbodjelou extraite de la série des « Demoiselle­s de Porto-Novo » (2012), En bas, à g., « Mes collants totémiques » (2015), d’Annette Messager.
D’ailleurs, d’ici, d’aujourd’hui et de toujours. À g., gobelet de frites McDonald’s, pièce dans l’installati­on des Britanniqu­es Dinos et Jake Chapman (2002). Au centre, masque (1997) de l’Américain David Hammons, présenté dans la rotonde. Ci-contre, photograph­ie de Léonce Raphaël Agbodjelou extraite de la série des « Demoiselle­s de Porto-Novo » (2012), En bas, à g., « Mes collants totémiques » (2015), d’Annette Messager.
 ??  ?? « Artiste du monde ». Le 3 février, au musée du quai Branly-Jacques Chirac, l’artiste béninois Romuald Hazoumé procède au montage de l’installati­on « No Return » (2019), tongs des migrants ramassées et assemblées en spirale, figure traditionn­elle. Et modernité : « Le plastique qui nous envahit tous les jours a succédé aux chaussures en cuir. Nous sommes à la fois artistes du monde et ambassadeu­rs de notre culture. »
« Artiste du monde ». Le 3 février, au musée du quai Branly-Jacques Chirac, l’artiste béninois Romuald Hazoumé procède au montage de l’installati­on « No Return » (2019), tongs des migrants ramassées et assemblées en spirale, figure traditionn­elle. Et modernité : « Le plastique qui nous envahit tous les jours a succédé aux chaussures en cuir. Nous sommes à la fois artistes du monde et ambassadeu­rs de notre culture. »
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