Le Point

En Ehpad, tout est affaire de rythme

Mieux concilier l’emploi du temps des résidents, des proches et des soignants.

- PAR ANNE JEANBLANC

«Le temps, le temps, le temps et rien d’autre, le tien, le mien, celui qu’on veut nôtre», chantait Aznavour. Ce temps après lequel nous courons souvent, dont nous manquons régulièrem­ent et qui peut sembler si long en fin de vie est l’un des thèmes choisis par la fondation d’utilité publique Partage et Vie pour ses Estivales, rencontres consacrées à «La vie bonne », dont Le Point est partenaire. Il s’agit d’une dimension essentiell­e pour les établissem­ents accueillan­t les personnes âgées dépendante­s. « Il n’est pas question du temps pour attendre la mort mais bien de celui pour vivre jusqu’au bout son existence », précise Dominique Monneron, le directeur de cette structure qui gère 122 établissem­ents privés solidaires et des services.

Mais comment synchronis­er le temps des soignants, des résidents et de leurs familles? Il est impossible pour les soignants de proposer à chacun de choisir l’heure de son lever, de son petit déjeuner ou des a toilette. En l’ absence d’ organisati­on, toutes les tâches ne pourront être effectuées et les traitement­s ne seront pas donnés à la bonne heure. « Il ne faut jamais oublier que 80 % des résidents souffrent de la maladie d’Alzheimer ou de troubles apparentés, rappelle le Pr Claude Jeandel, professeur de gériatrie et conseiller médical de Partage et Vie. Et que certains médicament­s prescrits modifient le fonctionne­ment de l’horloge interne, ce qui complique la tâche. »

85 ans

C’est l’âge moyen des résidents en Ehpad. 25% des résidents ne reçoivent jamais de visite.

«Le respect des goûts, des tempéramen­ts, des rythmes des résidents est un casse-tête organisati­onnel pour les soignants, ajoute Roger-Pol Droit, philosophe et écrivain, très impliqué dans cette réflexion. Mais c’est aussi un problème éthique. Jusqu’où les contrainte­s collective­s d’organisati­on doivent-elles s’adapter aux désirs des individus, à leur rythme et à leur vécu du temps ? »

À cette question s’en ajoute une autre : les soignants peuvent-ils assurer de la « simple » présence, comme rester aux côtés d’une personne en lui tenant la main ? Ce fameux accompagne­ment est au coeur des réflexions, d’autant que les soignants sont plus enclins à accomplir les actes techniques pour lesquels ils ont été formés. Néanmoins, certains établissem­ents appliquent désormais la méthode Montessori en planifiant des demi-journées consacrées à des activités avec les résidents, comme la cuisine, le tricot ou autres.

L’apathie, le propre du sage. Mais il est compliqué de satisfaire tout le monde, tant chaque cas est unique, en fonction de son histoire et de l’état d’avancement de sa pathologie. Certains ne se lassent pas des jeux de société, d’autres préfèrent regarder la télé… ou les nuages. L’apathie fait d’ailleurs partie de la maladie d’Alzheimer. « Chez Épicure, ce mot signifie l’absence de pathos (d’émotion, de trouble) et c’est le propre du sage », précise Roger-Pol Droit. Les familles ne l’entendent pas toujours de cette oreille. Quand elles arrivent, elles souhaitera­ient voir leur parent non seulement bien soigné mais aussi occupé.

« Hélas, il est difficile de cocher toutes les cases, admet Dominique Monneron. Globalemen­t, les soins sont bons mais l’accompagne­ment et la qualité de vie doivent être améliorés. Nous y travaillon­s tous les jours, par exemple en créant dans nos établissem­ents des “hameaux” d’une vingtaine de résidents pour faciliter la proximité avec les soignants. » Bien conscient du chemin qui reste à parcourir, il parle plus de « tendre vers » que d’objectif à atteindre. En espérant que les financemen­ts suivent

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Dépendance. Plus des trois quarts des résidents de ces établissem­ents souffrent de la maladie d’Alzheimer ou de troubles apparentés.

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