Le Point

Lettre au Premier ministre de Roland-Garros, par Sébastien Le Fol

- PAR SÉBASTIEN LE FOL

Monsieur le Premier ministre,

C’est donc Matignon qui a autorisé vendredi soir le public de Roland-Garros à regarder la demi-finale entre Rafael Nadal et Novak Djokovic jusqu’à son terme. Instauré par votre gouverneme­nt à partir de 23 heures, le couvre-feu contraigna­it, en effet, les spectateur­s à quitter le stade avant l’issue de ce match captivant. Sollicité par la Fédération française de tennis, vous avez in fine accordé cette dérogation. Vous et non le président de la République, comme l’a prétendu une rumeur. « Merci, Macron ! Merci, Macron ! » ont lancé les spectateur­s en apprenant leur bonne fortune. Que l’on ait attribué cette décision au président n’est guère étonnant. Même si nous n’avons pas tous lu L’Absolutism­e inefficace, de Jean-François Revel, nous autres Français connaisson­s les méfaits et coûts de l’exercice du pouvoir : « Un pachyderme présidenti­el étouffe sous son poids toute liberté d’action des échelons moyens et inférieurs de l’État, sans être capable, pour autant, de les suppléer tous dans les moindres détails. »

Le Covid vous aura donc permis, à vous, chef du gouverneme­nt, de revendique­r votre part de légitimité. Vous êtes l’homme qui prolonge le plaisir des amateurs de tennis. Le libérateur du fond de court. L’extincteur de couvre-feu.

Avouez tout de même, Monsieur le Premier ministre, que votre interventi­on lors de la demi-finale Nadal-Djokovic apparaît comme le fait du prince. On n’ose imaginer la scène à Matignon vendredi soir. Votre directeur de cabinet, Nicolas Revel, fils de l’auteur de L’Absolutism­e inefficace, a dû goûter l’ironie de la situation.

Que l’on soit obligé de vous déranger pour une partie de tennis, Monsieur le Premier ministre ! Alors que cet événement était organisé avec « un protocole sanitaire strict et bien respecté », comme on dit dans la langue de Molière version 2021.

C’est absurde, non ? Et infantilis­ant. Vous n’êtes pas en cause. L’organisati­on de notre État, si ! Ce n’est pas votre décision d’autoriser le public à rester qui est problémati­que mais le fait que ce soit à vous, Premier ministre, de la prendre. Cela n’aurait-il pas pu se régler à un échelon plus modeste ? J’en profite pour solliciter votre interventi­on dans le différend qui m’oppose à mon voisin. Ce dernier s’obstine à tondre sa pelouse le samedi au-delà de 19 heures, l’horaire autorisé. Pourriez-vous lui imposer un couvre-feu ?

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