Manger n’est pas pécher
Partout en France, pâtisseries et ouvrages spécialisés prônent des gâteaux plus légers et plus sains, alors pourquoi se priver ?
Sur Instagram, la pâtisserie française aime se donner en spectacle. Si certains manient le fouet et la maryse avec dextérité, d’autres jouent une partition différente. C’est le cas d’enseignes parisiennes cotées comme Yann Couvreur ou Des Gâteaux et du Pain, dont les pâtissiers-patrons ont appliqué à leurs boutiques les méthodes apprises dans les cuisines gastronomiques ou de palace (produits de saison, non-utilisation de colorants et d’additifs très répandus).
Christophe Felder confirme cette tendance : chaque année, depuis presque dix ans, il réduit la proportion de sucre de sa recette de crème au citron détaillée dans son livre Pâtisserie ! (La Martinière), vendu à 1 million d’exemplaires. D’autres artisans s’essaient, sans la nommer comme telle, à une pâtisserie « santé » : alternatives au sucre riches en nutriments plutôt que le saccharose blanc ; farines sans gluten plus digestes qui font baisser l’indice glycémique ; gâteaux crus ou végétaux… Chantre de la pâtisserie glamour depuis la fin des années 1990, Pierre Hermé s’y est mis en avril et veut que cela se sache. Difficile d’ignorer la promesse – 30 % de calories en moins sur une sélection de gâteaux –, on ne voit qu’elle en gros sur les murs de ses boutiques… L’« Infiniment Vanille », l’une des créations stars de la maison, affiche ainsi 254 calories, contre 383 initialement, et voit chuter ses acides gras saturés, ses lipides et ses glucides grâce à Frédéric Bau, confrère et ancien élève d’Hermé, qui a consigné ses trouvailles dans Gourmandise raison
« J’ai imaginé un leurre qui réponde à tous les marqueurs sensoriels du plaisir sans les excès de gras ni de sucre. » Frédéric Bau
née (La Martinière). « J’ai imaginé une sorte de leurre qui réponde à tous les marqueurs sensoriels du plaisir de la recette originelle sans les excès de gras ni de sucre », écrit-il dans cet ouvrage technique.
De nouveaux titres surfent aussi sur ce créneau avec succès, à l’image de Desserts à la vapeur de la naturopathe Jennifer Hart-Smith (Marabout) ou, plus récent encore, Ma pâtisserie healthy (Albin Michel) du blogueur Hervé Cuisine, qui réunit des recettes étonnantes comme un moelleux au chocolat dans lequel la courgette remplace le beurre, un cake marbré au potimarron et sa peau ou encore un cheesecake au tofu… Pour Ariane Grumbach, diététicienne installée à Paris, «la pâtisserie n’a pas évolué depuis longtemps, il est donc intéressant d’expérimenter des choses. Mais il faut que ce soit autour du goût car, à l’échelle de notre alimentation globale, la différence de calories ne sera pas flagrante. On mange des gâteaux pour le plaisir, pas pour la santé. D’autant qu’avec ces promesses déculpabilisantes, le client risque de se dire : “C’est plus léger, mangeons-en plus.” Je suis plutôt pour rendre la bonne pâtisserie exceptionnelle. » Et cette dernière de recommander un ou deux gâteaux par semaine. Légers ou pas ■