L’affaire Mila par Mila

Le livre s’ouvre sur un échantillon glaçant des injures dont l’agonissent depuis dix-huit mois les sauvageons du numérique. Puis elle se présente : « Vous avez sans doute entendu parler de moi. Je m’appelle Mila. » Elle aurait pu dire aussi bien : « Je suis Charlie », elle, la petite soeur d’armes de Charb, Cabu, Tignous et les autres. Quand ça ne va pas, elle se dit qu’elle finira comme eux, en martyre de la liberté d’expression. Elle se désespère : « Devoir supporter un tel poids à mon âge est révoltant. » Mais la pulsion de vie reprend toujours le dessus et elle dit aussi : « Je ne m’excuse pas […]. Je ne me soumettrai pas. » Menacée de mort pour avoir « insulté le Prophète », Mila hurle son désespoir, raconte son destin d’adolescente captive (« j’ai une vie de merde »), décrit mieux que personne la haine virale qui s’empare des réseaux sociaux dans ce petit livre plein de colère, d’amour et de lucidité politique. On en ressort vaguement honteux, paniqué mais aussi revigoré, tant est admirable le courage de cette jeune fille qui clôt son livre par ces mots : « Force à nous. »

Je suis le prix de votre liberté, de Mila (Grasset, 144 p., 16 €).