L’éditorial de Franz-Olivier Giesbert
Et le gagnant est… Christian Jacob, président des Républicains (LR),
Hannibal des urnes, tête de lard et bête noire des médias, souvent traité plus bas que terre par ses propres amis. Qui l’eût cru ?
Avant le petit séisme de dimanche dernier, les connaisseurs de la chose politique s’attendaient à un second tour Macron-Le Pen en 2022. C’était écrit, c’était plié. Or, brusque changement de programme, voilà que la droite est de retour.
Et si l’on se retrouvait, pour le second tour de la présidentielle, avec un duel MacronPécresse
ou un match Bertrand-Le Pen, à moins que Wauquiez ne revienne dans le jeu ? Après que le premier tour des régionales a rebattu les cartes, tout est devenu possible.
Gros-Jean comme devant, Macron vient de perdre la couronne de grand favori
que portèrent avant lui, à un an d’autres présidentielles, Giscard, Balladur ou Jospin. Aussi sûrs d’eux que le président sortant, tous les trois tombèrent de haut, battus par des challengeurs qu’ils n’avaient pas calculés : Mitterrand et Chirac dans les deux derniers cas.
« Rien n’est pareil au lendemain d’un scrutin, aimait dire l’ancien président Georges Pompidou, il y a toujours un “avant” et un “après”. » La règle se vérifie encore au lendemain de régionales, qui ont déquillé le parti du président (10,5% des suffrages), bousculé le Rassemblement national (18,7 %) et réinstallé au coeur du paysage la gauche et, surtout, la droite. Retour à la case départ : le monde d’avant a eu raison du monde d’après.
Le cauchemar de Macron peut devenir réalité :
un candidat unique de la droite qui siphonnerait ses propres électeurs pour affronter, à sa place, Marine Le Pen au second tour. D’où sa hargne enfantine contre Bertrand et Pécresse. Le président sortant n’aurait-il été qu’une parenthèse, un accident de l’Histoire ? En attendant, le voici seul, au milieu des décombres. Mais soyons justes : il est en droit de relativiser cette nouvelle claque.
Effrayant est le taux d’abstention (66,7 %).
S’il en dit long sur l’épuisement démocratique du pays, désabusé, sinon dégoûté, par la politique, il interdit, bien sûr, de tirer des conclusions définitives sur le scrutin. D’autant que, pour paraphraser la célèbre formule de François Ier, souvent France varie et bien fol est qui s’y fie. Mais, même si un éventuel retournement est toujours possible, Macron n’est plus en pole position après la déroute de son parti.
« Au secours, la droite revient ! » disait un vieux slogan mitterrandien. Les Républicains, pour lesquels les médias officiels n’ont cessé de sonner le glas, sont plus vaillants que jamais. Quant au PS, qui était aussi donné pour mort, il a de beaux restes, comme l’ont montré les performances inattendues de plusieurs de ses candidats telle Carole Delga en Occitanie (39,6 %).
La politique est un métier, et M. Macron ne l’a pas encore appris,
lui qui vient de se tirer une nouvelle grosse balle dans le pied : en lançant toutes les forces de la macronie contre Xavier Bertrand, il a rendu un fier service au président sortant des Hauts-de-France, qui obtient à leurs dépens un score franc et massif (41,4 %). Après avoir envoyé six ministres – dont Me Dupond-Moretti – au tapis, l’ex-LR peut espérer devenir le challengeur de la droite à la présidentielle.
Mais la messe n’est pas encore dite pour Bertrand.
Sacrés premier parti de France après les régionales, Les Républicains ont avec leurs alliés (près de 30 % des voix) au moins deux autres présidentiables en magasin : la charismatique dame de fer Valérie Pécresse, également ex-LR, qui devrait s’imposer au second tour en Île-de-France ; le ressuscité Laurent Wauquiez, qui a créé la surprise avec une déferlante (43,8 %) dans sa région Auvergne-Rhône-Alpes et à qui l’on peut déjà prédire une élection de maréchal dimanche prochain. Si l’on ajoute la candidature du Vendéen Bruno Retailleau, on peut parler de trop-plein de candidats à droite. Abondance de biens nuira-t-elle ?
La droite française a, comme la gauche, la réputation d’être la plus bête du monde.
Si l’on regarde l’histoire récente, elle est, de surcroît, sa pire ennemie. On croit qu’elle a tout pour elle, mais elle n’a que ça, et, à la fin, il lui manque le succès. Sa victoire en 2022 n’est donc pas assurée, loin de là. Pour l’emporter, il lui faudra trancher, élaguer. En choisissant un ou une candidate unique, mais aussi un programme, pas un catalogue ni un gloubi-boulga, et une stratégie, pas un enfumage sur fond de manoeuvres et de contorsions.
S’il règne ces jours-ci une troublante odeur de sapin dans la macronie,
celle-ci n’a pas encore de raison de paniquer : la droite a toujours su perdre des élections gagnées d’avance
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