Paris Legal Makers - Olivier Cousi : « Le droit est un des leviers stratégiques de la relance »
Olivier Cousi, le bâtonnier de Paris, organise avec « Le Point » le Paris Legal Makers, qui fera plancher, en décembre, politiques, hommes d’affaires et… juristes sur l’après-Covid. Entretien.
Comment concilier croissance, écologie et justice sociale ? L’intelligence artificielle (IA) sera-t-elle le décideur du futur ? En quoi les grandes affaires climatiques ont-elles un impact sur les droits fondamentaux ? Ces sujets, et bien d’autres, rythmeront le premier Paris Legal Makers, événement à dimension internationale – dans l’esprit du Forum de Davos – qui se tiendra le 6 décembre au palais Brongniart, à Paris. Cette journée, organisée par le barreau de Paris en partenariat avec Le Point et Havas, réunira la fine fleur des experts du monde des affaires et du droit, ainsi que des responsables politiques et institutionnels autour des grandes mutations (écologique, économique, sociétale et numérique) qui traversent nos sociétés. Dans un monde plus vert, plus réglementé et plus innovant, le droit est une chance à saisir et une force à valoriser, explique le bâtonnier de Paris, Olivier Cousi.
Le Point: La démarche dans laquelle s’inscrit cet événement est à la fois ambitieuse et audacieuse. Qu’attendez-vous du Paris Legal Makers?
Olivier Cousi : Cet événement est une première mondiale. À l’instar du Forum économique de Davos, le Paris Legal Makers se propose de rassembler tous ceux qui souhaitent participer à la reconstruction du monde post-Covid. Celle-ci ne se fera pas d’un coup de baguette magique. Les professionnels du droit ont un rôle essentiel à jouer pour relever les défis économiques, sociaux et environnementaux que la crise a accentués. Le droit constitue un des leviers stratégiques de la relance.
Procès climatiques, protection des lanceurs d’alerte, fiscalité des multinationales, cybersécurité…
Les défis des années 2020 sont de taille. En quoi les juristes sont-ils en première ligne sur ces sujets?
Le droit est au coeur de toutes ces problématiques et les lie entre elles. L’approche par le droit est aujourd’hui de plus en plus plébiscitée pour les traiter. Prenez l’exemple du défi climatique : la population l’envisage de plus en plus sur le plan de la justice avec des initiatives comme « Notre affaire à tous » et « L’affaire du siècle ». Face à la pression des intérêts économiques, à l’âpreté de la concurrence et à l’usure du politique, le droit constitue le meilleur vecteur pour affronter les nouveaux défis que vous citez.
La régulation s’organise de plus en plus au sein des entreprises grâce aux «bonnes pratiques» de gouvernance, au nom desquelles Facebook ou Google, par exemple, s’engagent à lutter contre la désinformation. Que vous inspire cette évolution?
Le droit n’est pas qu’une contrainte descendante produite par le législateur qui cherche à produire la norme la plus juste. C’est aussi ce que les Anglo-Saxons appellent la soft law. Le droit a en effet vocation à structurer et soutenir les bonnes pratiques portées par les entreprises privées, mais il doit garder la distance critique pour les apprécier au mieux. En ce qui concerne les actions de Google et de Facebook, ces grands groupes réagissent à des phénomènes sociopolitiques nouveaux, comme les fake news. Ces nouveaux réseaux doivent mener une réflexion éthique et déontologique en s’appuyant sur l’histoire longue du droit de la presse et des médias. C’est un sujet dont le régulateur et la justice doivent s’emparer pleinement dans les prochaines années.
Quelles sont les principales menaces liées au développement de l’IA?
Je ne pense pas qu’il faille parler de menace lorsqu’on évoque l’intelligence artificielle. Je comprends les inquiétudes des professionnels du droit face à cette nouvelle technologie, mais l’IA peut être une chance si elle est maîtrisée et si l’humain conserve toute sa place dans le dispositif. Je crois à une justice qui fait la part belle aux acteurs : les justiciables, les avocats, les magistrats, les greffiers, ainsi que l’ensemble de la famille judiciaire. En d’autres termes: une justice efficace, mais incarnée. C’est la raison pour laquelle les avocats doivent être au rendez-vous.
Quel est selon vous «le» défi du juriste du XXIe siècle?
Notre grand défi est de recréer un lien fort entre les professionnels du droit et les justiciables, et nous devons redonner confiance. C’est pour cela que je me suis battu pour préserver un secret professionnel plein et entier, qui couvre également les activités de conseil des avocats. C’est aussi pour cela que j’oeuvre pour un rapprochement entre avocats et magistrats depuis le début de mon mandat. Et c’est pour cela que le barreau de Paris met un point d’honneur à soutenir le développement des legaltechs par le biais de son incubateur. C’est avec cette ambition que je travaille, avec les membres du conseil de l’ordre, à l’organisation du Paris Legal Makers ■