La démagogie en marche pour 2022
L’embellie conjoncturelle fait craindre qu’aucun candidat à la présidentielle n’ait le courage politique de demander des efforts aux Français.
Emmanuel Macron va pouvoir se représenter à l’Élysée comme celui qui a sauvé le pays du chaos.
Déconfinés, les Français font chauffer les cartes bleues : selon Bercy, le montant des transactions était en hausse de 13 %, la première semaine de juin, par rapport à la même période pré-Covid de 2019, avec des pointes de 40 % pour l’habillement et de 45 % pour l’électronique et l’informatique. L’heure n’est pas à la décroissance, elle est au contraire à la révision à la hausse des prévisions de croissance. La Banque de France vient de relever la sienne d’un quart de point pour 2021, à 5,75 %, le plus haut niveau depuis 1973, et elle parie sur un robuste 4% en 2022. Sauf nouvelle catastrophe sanitaire, la campagne pour l’élection présidentielle devrait donc se tenir, à l’inverse des précédents scrutins, dans un contexte de forte croissance.
Sans faire de politique-fiction, cette conjoncture digne des Trente Glorieuses est une aubaine pour Emmanuel Macron : la tentation du dégagisme sera moins grande si les Français ont le sentiment que la situation économique du pays – et surtout leur situation individuelle– s’améliore et que leur capacité de consommer est accrue. La crise du Covid a masqué, si l’on peut dire, l’incapacité du chef de l’État à mener durant son quinquennat les grandes réformes annoncées, son échec pour rendre l’économie plus compétitive, son renoncement, avant même l’arrivée du virus, à la promesse de réduire la dépense publique et le nombre de fonctionnaires. Emmanuel Macron va pouvoir se représenter à l’Élysée comme celui qui a sauvé le pays du chaos économique grâce à sa stratégie du « quoi qu’il en coûte », celui qui a miraculeusement permis de préserver l’an dernier le pouvoir d’achat moyen des Français malgré une chute historique de 8,2 % du PIB. Il pourra aussi s’attribuer le mérite de la forte reprise économique quand bien même celle-ci ne doit pas grand-chose aux mesures de relance gouvernementales mais presque tout à la levée des mesures de confinement.
À cause de l’embellie conjoncturelle attendue, qui fera oublier les problèmes structurels de l’économie française, les discours démagogiques de tous bords risquent d’atteindre un niveau inégalé lors de la campagne présidentielle, en comparaison de laquelle celle de François Hollande déclarant la guerre à la finance paraîtra insignifiante. Les Français vont avoir l’embarras du choix entre des candidats favorables au rétablissement de la peine de mort fiscale pour les riches afin de rembourser la dette et ceux qui prônent d’annuler celle-ci, les partisans du retour à la retraite à 60 ans ou encore de nouvelles règles européennes en matière de finances publiques pour permettre à la France de mieux s’en affranchir. Il faut craindre qu’aucun candidat ne prenne le risque électoral de se mettre l’opinion publique à dos en expliquant que le retour des jours heureux est malheureusement éphémère, que la BCE ne va pas faire tourner la planche à billets éternellement, qu’il va bien falloir payer un jour ou l’autre la facture de la crise du Covid et que l’économie française sort de celle-ci considérablement affaiblie – avec une compétitivité dégradée qui la condamne à une croissance anémique, à un chômage élevé et à des déficits commerciaux et budgétaires abyssaux. Il faut craindre qu’aucun candidat n’ait le courage politique de dire que, si la France ne fait pas très vite des efforts douloureux pour réduire ses dépenses sociales, diminuer ses prélèvements obligatoires et travailler davantage, elle figurera au premier rang des pays décrocheurs
■