Ô Salammbô !
Qui n’a jamais rêvé d’Orient grâce à Flaubert ? Si c’est votre cas, alors, on vous envie. Vos nuits pourraient vite se peupler d’une princesse vêtue d’une « tunique souple » attachée aux épaules par « deux agrafes » qui, « soulevant un peu les seins, les rapproch[ai]ent l’un de l’autre », avec des yeux ayant « l’air de deux étoiles dans l’ouverture d’un nuage ». Ceux qui ont déjà suivi l’écrivain normand – dont on fête cette année le bicentenaire de la naissance – dans ses obsessions orientaloantiques auront reconnu Salammbô, héroïne envoûtante du roman à l’incipit légendaire : « C’était à Mégara, faubourg de Carthage, dans les jardins d’Hamilcar. » Deux très beaux livres prolongent en ce moment les effets puissants, pour ne pas dire psychédéliques, du texte de Flaubert. L’Orient de Flaubert en images, d’abord, recense les oeuvres d’art qui influencèrent ses textes, mais aussi toutes celles auxquelles les mots du grand Gustave donnèrent naissance. Le somptueux et très graphique catalogue de l’exposition « Salammbô » du musée des Beaux-Arts de Rouen, ensuite, offre une promenade archéologique et pop-culturelle dans l’univers carthaginois étudié et fantasmé par Flaubert, entre la reconstitution du « zaïmph », brodé et rehaussé d’or, de perles et de plumes d’oiseaux par une certaine madame Rochegrosse entre 1895 et 1896, et les expérimentations toxiques et luxuriantes du génial Druillet, que Salammbô transporta dans une « obsession médiumnique »
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L’Orient de Flaubert en images, de Gisèle Séginger (Citadelles et Mazenod, 224 p., 69 €). Exposition « Salammbô. Fureur ! Passion ! Éléphants ! » Musée des BeauxArts de Rouen. Jusqu’au 19 septembre. Catalogue chez Gallimard (332 p., 39 €).