Le Point

Spécial polar

Rencontre avec l’auteur de La Griffe du chien, devenu un expert du narcotrafi­c.

- PAR JULIE MALAURE

Nous étions sur ses terres, le désert d’Anza-Borrego, en Californie, début 2020, pour la sortie de La Frontière, le roman qui venait clore sa saga magistrale sur le narcotrafi­c. Don Winslow s’était attelé, en 2005, à une oeuvre titanesque d’une précision suisse : raconter quand et comment s’est déclenchée cette guerre d’une violence inouïe entre les cartels mexicains et les États-Unis. En quinze ans, depuis La Griffe du chien, avec Cartel puis La Frontière, le romancier a traversé quatre décennies meurtrière­s grâce à son agent de la DEA, Art Keller, revisité la carrière et la chute du narcotrafi­quant El Chapo (sous les traits d’un dénommé Barrera), raconté le sanglant morcelleme­nt du marché depuis sa disparitio­n.Ainsi, Winslow, déjà écrivain révéré (Oliver Stone a adapté son Savages en 2012), est devenu un expert de la poudre très écouté. À l’automne dernier, il nous livrait Le Prix de la vengeance, un pas de côté très personnel, et nous annonce son grand retour avec une nouvelle trilogie.

Le Point: «Le Prix de la vengeance», votre dernier livre, un recueil de six nouvelles, contraste avec vos romans-fleuves habituels. Quelle est la raison de ce changement? Don Winslow :

Après plus de deux décennies d’écriture de romans épiques, déployés sur plusieurs génération­s, sur plusieurs territoire­s, j’étais littéralem­ent devenu un marathonie­n de l’écriture… Mais, en parallèle, j’ai toujours été un grand admirateur des formats courts de Stephen King ou de Jim Harrison. Et puis j’avais quelques histoires en tête, qui n’avaient pas l’ossature suffisante pour soutenir la structure d’un roman long. Alors, quand ça a été le bon moment, j’ai attaqué ces nouvelles comme des sprints. En passant de l’une à l’autre, je me suis découvert une écriture plus rapide. Si je m’en étais privé, ça aurait été comme disposer d’un instrument à cordes et se limiter à ne jouer que d’une seule.

Des nouvelles pour le plaisir?

Ah oui, certaines. La première, « Le Prix de la vengeance », axée sur un problème éthique, se situe à La Nouvelle-Orléans, la ville de ma mère, où j’ai beaucoup de souvenirs d’enfance auprès de mes grands-parents. Dans celle qui s’appelle « Paradise », je fais revenir des personnage­s que des fans me réclamaien­t. Trois autres nouvelles se passent à San Diego, où je vis. La dernière est la moins légère : j’y aborde la question des enfants mis en cage à la frontière mexicaine – les enfants séparés de leurs parents clandestin­s, sous l’ère Trump.

Où en est la situation depuis Biden?

Ça s’arrange un peu pour les enfants, comme nous l’espérions. Mais ils sont encore un millier en détention à la frontière – quelle phrase terrible. Je pense qu’ils sont traités plus décemment, et je sais que des associatio­ns sont en train de faire des recherches actives pour regrouper les familles.

La politique américaine sera-t-elle au coeur de votre prochain roman, «City on Fire», qui paraîtra en novembre en France?

City on Fire sera le premier volume d’une trilogie, en Nouvelle-Angleterre, pour laquelle j’ai choisi de combiner le polar et une relecture d’un immense classique de la littératur­e : l’Iliade d’Homère

Le Prix de la vengeance, de Don Winslow, traduit de l’américain par Isabelle Maillet (HarperColl­ins, 544 p., 22,90 €).

« Avec City on Fire, j’ai choisi de combiner le polar et une relecture de l’Iliade d’Homère. » Don Winslow

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 ??  ?? In situ. Don Winslow dans le désert d’Anza-Borrego, en Californie, un des nombreux points de passage pour les clandestin­s en provenance du Mexique.
In situ. Don Winslow dans le désert d’Anza-Borrego, en Californie, un des nombreux points de passage pour les clandestin­s en provenance du Mexique.

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