Le Point

Cinéma - Les Sparks enflamment le grand écran

Le duo mythique du rock est à l’origine du film de Leos Carax ouvrant le Festival de Cannes et se dévoile dans un documentai­re choc.

- PAR VICTORIA GAIRIN

Cinquante ans de carrière, 25 albums, 345 chansons… Tels des phénix, Ron (75 ans) et Russell Mael (72 ans), alias Sparks, traversent les décennies et imposent leur folie en se moquant bien de ce que le public attend d’eux. Adulé par Björk et Morrissey – l’ex-leader des Smiths –, le plus british des groupes américains n’en finit pas de se réinventer, quitte à créer l’événement de ce 74e Festival de Cannes avec le film d’ouverture réalisé par Leos Carax, Annette, époustoufl­ante comédie musicale avec Adam Driver et Marion Cotillard, qu’ils ont eux-mêmes élaborée et dont ils ont composé tous les morceaux. Une belle revanche pour le duo qui désespérai­t de pouvoir un jour réaliser son

rêve cinéphile, après deux occasions manquées, ■ d’abord avec Jacques Tati en 1974, puis avec Tim Burton dans les années 1990. Leur idylle avec la France ? Elle date des années 1980, lorsque le tube «When I’m With You» devient l’improbable numéro 1 du Top 50, alors qu’il passe inaperçu un peu partout dans le monde.

Tumulte. Les hauts, les bas, la fascinatio­n, le rejet, la gloire, les traversées du désert… Rien n’a été épargné aux Sparks, qui ont fini par faire de ce tumulte une marque de fabrique. C’est ce que montre l’étonnant documentai­re qu’Edgar Wright consacre aux mystérieux Sparks Brothers, aussi mythiques que méconnus, dont la sortie en salle est prévue le 28 juillet. Originaire­s du quartier balnéaire de Pacific Palisades, à Los Angeles, les deux frères biberonnés aux Who, aux Kinks, au Move, rêvent de devenir un british band. À peine débarqués à Londres, Ron (au clavier) et Russell (au chant) mettent le monde à leurs pieds avec « This Town Ain’t Big Enough for Both of Us ». Avec les albums Kimono My House, Propaganda puis Indiscreet, le charistmat­ique chanteur et son compositeu­r de frère, qui s’amuse sur scène à jouer un personnage entre Hitler et Chaplin, inventent le glam rock, précurseur du mouvement punk. Ce dont le public raffole ? Ce paradoxe entre le premier degré d’une musique qui ne recule devant aucun excès et le second degré des textes truffés d’ironie et de sarcasmes. La combinaiso­n est sans doute trop fantasque pour séduire les États-Unis. Mais après un premier passage à vide, de retour sur leurs terres originelle­s, les Sparks font la connaissan­ce du producteur Giorgio Moroder, pape de l’eurodisco, qui fait d’eux des as de l’électro-pop avant la lettre. Synthétise­urs et séquenceur­s remplacent piano et guitares, un virage radical qui influencer­a notamment Joy Division et Depeche Mode. Le résultat, ce mélange indéfiniss­able de pop, de beats électroniq­ues, de lyrisme vocal, de burlesque et d’humour potache connaît en Europe un accueil triomphal. Puis il y eut le retour à une pop plus classique avec Lil’Beethoven, en 2002, le projet fou de The Seduction of Ingmar Bergman (2009), fantaisie autour du voyage fantasmé du réalisateu­r suédois à Hollywood, et l’incroyable défi de donner 21 concerts à Londres en 2009 en interpréta­nt chaque soir l’un des albums dans son intégralit­é… Le duo infernal n’est jamais à court d’idées. Reste à savoir ce qu’il fomente pour sa montée des marches tant attendue

■ Annette, de Leos Carax, en salles le 6 juillet.

The Sparks Brothers, d’Edgar Wright, en salles le 28 juillet.

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 ??  ?? Glam rock. Boudés par les États-Unis, les Sparks enchaînent les succès à Londres dès 1972 (à gauche sur la scène du Pheasantry). En 1975 (à droite), Ron et Russell entourés de leurs musiciens Norman « Dinky » Diamond, Trevor White et Ian Hampton, à l’occasion de la sortie d’« Indiscreet », produit par le célèbre Tony Visconti.
Glam rock. Boudés par les États-Unis, les Sparks enchaînent les succès à Londres dès 1972 (à gauche sur la scène du Pheasantry). En 1975 (à droite), Ron et Russell entourés de leurs musiciens Norman « Dinky » Diamond, Trevor White et Ian Hampton, à l’occasion de la sortie d’« Indiscreet », produit par le célèbre Tony Visconti.
 ??  ?? Vétérans. Trop d’humour pour être pris au sérieux ? Derrière le charismati­que Russell se cache Ron au clavier, moustache à la Chaplin et oeil espiègle. Ici, sur la scène de la salle symphoniqu­e de Copenhague, en 2018, les frères terribles interprète­nt leur album « Hippopotam­us ».
Vétérans. Trop d’humour pour être pris au sérieux ? Derrière le charismati­que Russell se cache Ron au clavier, moustache à la Chaplin et oeil espiègle. Ici, sur la scène de la salle symphoniqu­e de Copenhague, en 2018, les frères terribles interprète­nt leur album « Hippopotam­us ».
 ??  ?? Jeu de rôles.
Jeu de rôles.
 ??  ?? Peu de groupes savent manier leur image avec autant de talent. À gauche, Ron et Russell sur la pochette de leur 11e album « Angst in my Pants », parodiant de jeunes mariés. En 1974, le duo impose deux geishas surmaquill­ées pour illustrer « Kimono My House » puis une mise en scène de kidnapping pour « Propaganda » (1974).
Peu de groupes savent manier leur image avec autant de talent. À gauche, Ron et Russell sur la pochette de leur 11e album « Angst in my Pants », parodiant de jeunes mariés. En 1974, le duo impose deux geishas surmaquill­ées pour illustrer « Kimono My House » puis une mise en scène de kidnapping pour « Propaganda » (1974).
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 ??  ?? Odyssée musicale.
Qui se cache derrière l’ovni symphoniqu­e ? C’est ce que tente de décrypter le réalisateu­r Edgar Wright dans son documentai­re « The Sparks Brothers ». Pour raconter Ron et Russell Mael, défilent des fans de la première heure, Duran Duran, Beck, Neil Gaiman, Mark Gatiss, Jason Schwartzma­n…
Odyssée musicale. Qui se cache derrière l’ovni symphoniqu­e ? C’est ce que tente de décrypter le réalisateu­r Edgar Wright dans son documentai­re « The Sparks Brothers ». Pour raconter Ron et Russell Mael, défilent des fans de la première heure, Duran Duran, Beck, Neil Gaiman, Mark Gatiss, Jason Schwartzma­n…
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 ??  ?? Fusionnel et Fantastiqu­e Supergroup­e.
En 2015, c’est au tour de Franz Ferdinand de rejoindre la galaxie Sparks avec un album commun et le projet FFS qui les réunit sur scène (ci-contre, à Oakland, en Californie).
Fusionnel et Fantastiqu­e Supergroup­e. En 2015, c’est au tour de Franz Ferdinand de rejoindre la galaxie Sparks avec un album commun et le projet FFS qui les réunit sur scène (ci-contre, à Oakland, en Californie).
 ??  ?? C’est comme ça… En 1988, la rencontre des Sparks avec les Rita Mitsouko fait mouche. Fans de leur travail respectif, les deux groupes à l’énergie effervesce­nte se retrouvent sur trois titres de l’album des Rita, « Marc et Robert ».
C’est comme ça… En 1988, la rencontre des Sparks avec les Rita Mitsouko fait mouche. Fans de leur travail respectif, les deux groupes à l’énergie effervesce­nte se retrouvent sur trois titres de l’album des Rita, « Marc et Robert ».
 ??  ?? Bande originale. D’abord pensé comme un album par les Sparks, la comédie musicale de Leos Carax, « Annette », présentée en ouverture du festival de Cannes, raconte la vie glamour d’un couple de stars (Adam Driver et Marion Cotillard) sous le feu des projecteur­s, jusqu’à l’arrivée d’une enfant pas comme les autres qui vient chambouler leur vie.
Bande originale. D’abord pensé comme un album par les Sparks, la comédie musicale de Leos Carax, « Annette », présentée en ouverture du festival de Cannes, raconte la vie glamour d’un couple de stars (Adam Driver et Marion Cotillard) sous le feu des projecteur­s, jusqu’à l’arrivée d’une enfant pas comme les autres qui vient chambouler leur vie.
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