Le Point

Le siècle d’Edgar Morin

Pour ses 100 ans, le philosophe publie ses « Leçons d’un siècle de vie » (Denoël). L’occasion de retracer une vie bien remplie et une « pensée complexe », qui a irrigué tous les champs du savoir.

- PAR FRANÇOIS-GUILLAUME LORRAIN

Par la fente de ses yeux plissés, toujours cet éclat, cette pétillance qui s’accorde à ses lèvres vrillées : vivacité du bretteur et de l’observateu­r. On a envie de lui poser cette question qu’il adressait aux Français en 1961 dans son documentai­re Chronique d’un été : « Êtes-vous heureux ? » Heureux comme Edgar Morin, qui a déjà vécu cent ans. Un joli bonus pour ce survivant né en état d’asphyxie, son cordon autour du cou, un 8 juillet 1921. Bien sûr, les sollicitat­ions médiatique­s pour son centenaire ont un peu usé sa proverbial­e énergie renouvelab­le. La Grande Librairie, les six jours de colloque à Cerisy consacrés à son oeuvre… Bientôt, l’hommage de Macron le 8 juillet, dernier président d’une longue série à honorer le vieil « anthropo-sage », le grand sachem ou sachant, qui depuis belle lurette joue à l’oracle consultabl­e d’une époque facilement déboussolé­e.

Après le résistant clandestin, le communiste en rupture de ban, l’anthropo-sociologue de la mort, du cinéma, des stars, de la culture de masse et des transforma­tions du temps présent, après la tête chercheuse faisant feu de tout bois dans une Méthode en six volumes entamée en écoutant Angie des Rolling Stones et que personne n’a lue, sa longévité lui a réservé le privilège – ou le danger – des arènes médiatisée­s de la polis. Car tel est le péril d’être devenu le doyen de cette même culture de masse : l’image fait barrage à une oeuvre pléthoriqu­e entamée en 1945. De l’inconvénie­nt, non seulement d’être né, mais de survivre indéfinime­nt. L’aphorisme menace. Le slogan guette. Ce que nous appelons la reductio ad mediaticum. La « jivarisati­on » télévisuel­le. Un destin à la Michel Serres mais au carré. Ses appels à changer de voie, son catastroph­isme éclairé, alliés à une pensée de l’ouverture et de l’inattendu – le pire n’est jamais sûr –, en font une icône idéale, plus encore depuis la pandémie. Car la crise de civilisati­on, il en fut l’un des prophètes, signant même un livre de crisologie.

Dans une époque à l’horizon bouché, quoi de mieux qu’un visionnair­e ? Écoutons-le à nouveau, alors qu’il gobe un oeuf en guise de petit déjeuner : « Certes, cet impact planétaire d’un minuscule virus est étonnant, mais depuis 1945 nous vivons une époque damocléenn­e. Menace nucléaire, écologique, sanitaire… En même temps,

« La métamorpho­se du transhuman­isme est notre mythe le plus insensé. »

« À Berlin, en juin 1945, j’entre dans la chanceller­ie de Hitler. Je suis seul, je fauche des documents qu’il avait signés. »

nous connaisson­s de stupéfiant­s progrès techno-économique­s ■ visant à prolonger la vie humaine, à nous débarrasse­r du travail. La métamorpho­se du transhuman­isme est notre mythe le plus insensé. » En pratiquant de la complexité qu’il a théorisée jadis via la cybernétiq­ue, Morin voit une planète traversée de courants contraires – fanatisme, terrorisme, dégradatio­ns – auxquels résistent de petites oasis de lucidité, de solidarité. Le « wokisme » ? Un simple excès des courants émancipate­urs : « Je ne condamne pas les mouvements émancipate­urs à leurs excès. » Une manière de botter en touche et de donner quitus chez cet adepte de la pensée si élastique qu’elle l’a mené parfois sur la voie de l’indulgence pour ce qu’il considère comme des opprimés, notamment le Hamas.

Le planétaire, il en fut donc un apôtre précoce. À la suite de Heidegger, qu’il était allé voir en 1945 à Fribourg, quand il s’occupait de la propagande française en zone d’occupation. Aujourd’hui, Morin, jamais en panne d’une invention, se dit « humanologu­e ». Le logos de l’homme multidimen­sionnel. Homo faber mais aussi imaginaire. Homo sapiens mais aussi demens. Dans tous ses états, car Morin le transdisci­plinaire n’a jamais rien négligé. « L’indiscipli­né » : c’est le beau sous-titre qu’Emmanuel Lemieux avait donné à sa passionnan­te biographie (Seuil). L’indiscipli­né : celui qui ne demeure pas dans sa discipline, dans son couloir de nage, mais fait son miel de toute chose. À la fois ouvrier et reine des abeilles. Un éclectisme rarement égalé érigé aussi en méthode. Une tradition certes assez française. Si indiscipli­né qu’il n’a guère de disciples, tout juste des fidèles, des sympathisa­nts, comme ce collectif qui publie chez Actes Sud L’Avenir de Terre-Patrie (1), un concept qu’il forgea en 1993.

L’ouverture de son dernier livre (2), Leçons d’un siècle de vie (Denoël), vous désarme : « Qui suis-je ? Je réponds : un être humain. C’est mon substantif. » Mais le naturel revenant au galop, ce premier chapitre s’intitule « L’identité une et multiple ». Identités du juif marrane, né Edgar Nahoum, Parisien baigné de Méditerran­ée, imitateur-né… À quoi tient une identité ? Lors d’une réunion de résistants à Toulouse, il avait donné comme nom Magnin, d’après un personnage de… L’Espoir ; on entendit Morin, qu’il conserva. Double médiation écrite, puis orale. Devenir toujours un autre. Revivre. Celui qui se rend aux enterremen­ts en narguant la Camarde termine pourtant son dernier opus sur cette pensée écrasante de la mort et de la mère, Luna, disparue en 1931 : « L’esprit humain est devant la porte close du Mystère. »

Le check-up a été rassurant. On le sent d’attaque pour trois heures de conversati­on, lui, le deviseur infatigabl­e. L’amoureux fou des idées. L’esprit subtil à la Pascal, assoiffé de contradict­ions, qui brillait dans le salon de « Marguerite », entendez Duras. Avec elle, il n’a jamais couché – il n’était pas encore dans sa « phase océanique » –, mais il a formé après guerre une communauté de vie, avec sa femme Violette, Robert Antelme et le beau Dionys Mascolo, un de ses adjoints dans son mouvement de résistance dirigé par un certain François Mitterrand. Là, dans le caravansér­ail de la rue Saint-Benoît, défilaient Bataille, Leiris, Michaux, Camus, Queneau, Ponge, Lacan, Barthes… N’en jetons plus. Mais si !

Parler avec Morin, c’est tourner autour du carrousel d’un siècle. Remonter jusqu’au 6 février 1934, débriefé le lendemain par son père, Vidal, dans un restaurant de la rue d’Aboukir. Évoquer le sinistre Julien Benda, dont il fut le nègre à 20 ans, à Carcassonn­e. Jankélévit­ch, l’un de ses maîtres à Toulouse, renvoyé de l’université et fréquenté durant la guerre. L’excentriqu­e Clara Malraux, qui, des ténèbres de sa cave toulousain­e, l’incita à basculer dans la Résistance. C’est plonger dans le vertige d’une mémoire restituant au mot près une conversati­on de 1941 avec un jeune trotskiste, qui lisait Guerre et Paix en plein cours de fac et lui parla de la dialectiqu­e de Marx, l’encouragea­nt à franchir le Rubicon de l’entrée au PC clandestin. Comment embrasser un tel siècle ? Avec quelques rencontres marquantes peut-être, quelques scènes inoubliabl­es, des jalons intimes qui ont stratifié une oeuvre qu’on ne lit plus, une pensée complexe où, souligne son meilleur spécialist­e, François L’Yonnet, « la Méthode, comme chez Nietzsche, est venue à la fin, après différente­s pièces du puzzle, des essais sur la mort, le cinéma, la jeunesse, un village de Bretagne »…

Gaston Bergery

Qui se souvient du dirigeant de Front commun, figure majeure des années 1930, qui séduisit Jules Romains ou le futur préfet Maurice Grimaud ? « Il a constitué pour moi une alternativ­e à laquelle je voulais échapper entre le nazisme, le stalinisme et la démocratie corrompue. J’avais une sensibilit­é de gauche, mon premier acte politique a été de préparer des colis pour des anarchiste­s de Catalogne en 1938, j’ai été fasciné par ce radical atypique, pacifiste, très sobre, qui me semblait très rationnel, pas démagogue pour un sou, conscient de l’incapacité de l’armée française à résister à l’Allemagne. J’étais très marqué par les films pacifistes des années 1930 que j’ai vus très jeune.

Comme Simone Weil, avec qui il correspond­ait, il supposait que la terreur nazie se décomposer­ait et donnerait naissance à une Europe nouvelle. Il a sous-estimé, et moi avec, l’absolue volonté impérialis­te et esclavagis­te de Hitler. » Bergery finira mal, à Vichy. Mais Morin entre en politique avec une troisième voie subtile.

Georges Friedmann

Le fondateur de la sociologie du travail fut le premier grand sociologue rencontré par Edgar Morin, qui le fréquente à Toulouse dans la Résistance. « Il m’a surtout marqué par son livre, De la Sainte Russie à l’URSS, sorti en 1938. Les livres qui vous attiraient vers le communisme étaient souvent ceux qui le critiquaie­nt, même le Retour de l’URSS de Gide. Friedmann regrettait le culte de la personnali­té autour de Staline, mais l’excusait par l’arriératio­n tsariste et l’encercleme­nt capitalist­e. Il espérait, et moi aussi, que les vices de l’URSS finiraient par disparaîtr­e. En 1941, quand je lui ai dit être tenté par le communisme de guerre, il m’a répondu : “C’est une expérience que vous pourriez tenter.” J’avais son autorisati­on. D’autres m’ont averti des dangers du communisme, je n’entendais pas, car nous vivions dans la vulgate très réelle d’une URSS qui résistait au nazisme. Je pensais que tout changerait après la guerre. »

Marx, Hegel & co

Au même moment que cette dialectiqu­e interne avec le communisme, Morin découvre en pleine guerre les deux grands maîtres de la dialectiqu­e : « Hegel a été la révélation pour moi, que tout portait en soi la contradict­ion. La lecture contempora­ine de Marx m’a incité à m’inscrire dans toutes les discipline­s des sciences humaines. Comme lui, je voulais comprendre le monde dans sa complexité. Mais assez vite, en travaillan­t sur la mort, je me suis rendu compte que les religions, les mythes, les croyances, qu’il plaçait au rang des superstruc­tures secondaire­s, ne l’étaient pas du tout. Son matérialis­me ne tenait pas. Sa conception de l’homme purement producteur était unilatéral­e. Ce fut la première brèche dans mon marxisme. »

Impression­s de guerre

« De Lyon, où j’ai manqué être arrêté en 1943, je me souviens de la Maison des étudiants, où avec mon ami Jacques-Francis Rolland, on écoutait Radio Londres. À chaque annonce d’une victoire soviétique, nous courions dans les couloirs en criant Koursk, Stalingrad, Kiev, jusqu’à la chambre d’un étudiant d’origine russe qui avait un stock de vodka. À Berlin, en juin 1945, où je circule au milieu des ruines, j’entre dans la chanceller­ie de Hitler. Je suis seul, je fauche des documents qu’il avait signés. Je ressors jusqu’à la porte de Brandebour­g, il n’y a que des décombres, personne, et soudain, j’entends du côté soviétique, diffusée par un haut-parleur, la sonate Le Printemps de Beethoven. Il fait beau, le ciel est bleu, j’éprouve une infinie tendresse, extatique, pour cet univers désolé. » De ce séjour en Allemagne, il tirera la matière de son premier livre, L’An zéro de l’Allemagne (1946), publié par Robert Antelme, analyse nuancée de la jeunesse nazie : en 1947, Rossellini, qui préparait Allemagne, année zéro, le cherchera en vain dans tout Paris pour racheter son titre. Dans ses écrits autobiogra­phiques, Morin est revenu souvent sur la « fatigue inexplicab­le » dont il avait été saisi en mars 1944 entre le premier et le deuxième étage de l’hôtel du 10, rue Toullier, près du Panthéon, et qui l’avait incité à rebrousser chemin. Il avait rendez-vous avec son adjoint du MNPGD, Gérard Kratzat, tombé dans une souricière de la Gestapo, qui attendait Edgar Morin.

L’inattendu

Les ouvrages de Morin feront une large place à la surprise de l’événement, au principe d’incertitud­e, à l’incroyable. « Cet incroyable, je l’ai découvert à la fin de l’année 1941. Quand les Soviétique­s, laminés par les nazis, arrivent à ressortir de Moscou et que, la même semaine, le Japon attaque les États-Unis, qui entrent dans la guerre. Tout était donc possible. Je n’ai jamais cessé de repenser à certaines incongruit­és de la guerre, comme ce refus de Franco de laisser passer les troupes allemandes pour attaquer l’Algérie et le Maroc, malgré les promesses que Hitler lui avait faites. S’il avait accepté, la France, sans empire, n’aurait plus été qu’une province du Reich. »

La mort est son sujet

L’Homme et la Mort (1951) est son livre matrice. À la charnière du biologique­etdel’anthropolo­gique. Il y redécouvre les mythes fondamenta­ux de la mort-renaissanc­e et du double, le tabou premier qui incita l’homme préhistori­que à enfouir ses cadavres. Il traitera la mort en fait social global : « Olga Wormser, qui s’occupait des déportés après la guerre, dirigeait une maison d’édition, Corrêa. Elle m’a demandé un sujet. J’étais libre. Et chômeur. Pourquoi ce sujet ? À cause de la mort précoce de ma mère? Des amis perdus dans la Résistance ? Des déportés de ma famille ? De la mort que j’avais frôlée pendant la guerre ? Le sujet n’avait jamais été traité dans son ensemble à cause du compartime­ntage disciplina­ire. Mais en déambulant dans […] la Bibliothèq­ue nationale, je me suis éduqué, j’ai appris à organiser ces savoirs multiples. À l’époque, je pensais que la science prolongera­it la vie humaine. Puis, à la fin des années 1960 au Salk Institute, je rencontre un biologiste qui m’explique que chaque cellule, de l’ADN vers l’ARN puis la protéine, transmet des erreurs, que la vie est une communicat­ion, mais une accumulati­on d’erreurs. J’écris une première autocritiq­ue de mon livre. Puis, en discutant plus tard avec Jean-Claude Ameisen, qui me parle des cellules souches, des interactio­ns génétiques, je récris une seconde autocritiq­ue. »

« Autocritiq­ue »

Un ouvrage publié en 1959, mais ruminé pendant dix ans. Le livre de sa rupture avec le PC et la grande idéologie. Le solde de tout compte après avoir suivi la ligne, même s’il a fréquenté dès 1950 les fondateurs de Socialisme et Liberté (Castoriadi­s, Lefort) et lancé en 1956 la revue Arguments avec Roland Barthes et Jean Duvignaud, où il s’agissait d’ouvrir un lieu de débats et de repenser le marxisme. Morin dialogue avec tout le monde. « Ma rupture a été très progressiv­e. Dès 1948, avec Marguerite et Antelme, on s’était détaché de la politique culturelle du Parti, du jdanovisme. On a commencé à deviner avec le procès Kravchenko (avril 1949), où nous avons fait la connaissan­ce de Margarete Buber-Neumann, la principale témoin des camps soviétique­s. Mais la coupure radicale a été le procès Rajk en Hongrie (fin 1949) suivi par mon ami François Fejtö. Je n’osais pas dire que j’étais en dehors du PC, de cette fraternité, de cette affectivit­é. Un jour, j’étais en Grèce, je suis tombé en panne près d’un village ; j’ai marché jusque chez un mécanicien, à qui j’ai dit que j’étais marxiste. Alors, il a commencé à réparer en tapant avec son marteau et en répétant : “Marx ! Lénine ! Staline !” C’était ça ! Le jour où j’ai été exclu, j’ai pleuré, mais le lendemain, c’était fini, un gros chagrin d’enfant, j’étais libéré, enfin moi-même. »

Les ennemis jurés

Quand sort L’Esprit du temps (1962), consacré à la culture de masse, Morin est pilonné par Bourdieu, qui lui reproche d’avoir négligé la diversité des pratiques et de n’avoir pas dénoncé l’entreprise débilitant­e de cette culture bourrage de crâne. Morin préfère y déceler des facteurs de subversion, d’autonomie plutôt que d’aliénation. C’est le début d’une guerre qui ne cessera jamais. « Morin, qui pratique une sociologie de type empathique, compréhens­ive, prenant en compte le vécu, les passions, a longtemps été méprisé par la sociologie officielle, de la nomenklatu­ra. Mais sur le tard, parce qu’il survit,

« Au Salk Institute, en 1969, un biologiste m’explique que la vie est une communicat­ion, mais une accumulati­on d’erreurs. »

il a pris sa revanche sur ses grands rivaux », analyse L’Yonnet. De même ferraille-t-il longuement avec les structural­istes, qui dominent les sciences humaines dans les années 1960 et 1970 : rien de plus étranger à Morin que le structural­isme, qui dissout l’homme dans des structures atemporell­es et anhistoriq­ues. Sa réponse sera Le Paradigme perdu : la nature humaine, publié en 1973.

Le quart d’heure américain

Au départ, le groupe des Dix. On a oublié ce groupe de réflexion majeur (1968-1974) qui a réuni le biologiste Henri Laborit, André Leroi-Gourhan, Michel Serres, Jacques Monod, Henri Atlan, puis Michel Rocard, Jacques Delors. C’est Monod, découvreur des rôles inhibants ou excitants de l’enzyme dans la cellule, qui le coopte en 1969 pour La Jolla, près de San Diego, au Salk Institute, pépinière de prix Nobel. Il s’y familiaris­e avec les théories de la cybernétiq­ue, les effets rétroactif­s, le feedback, positif ou négatif, les processus de diversific­ation, les divergence­s évolutives. « Au contact de Gregory Bateson, le père de la cybercultu­re, il forge la notion de “rapport dialogique” où l’unité apparaît plus complexe que la somme des parties », raconte L’Yonnet. Il découvre le double bind, s’intéresse à la théorie des jeux, fréquente Henri Atlan, qui l’initie aux mystères de l’auto-organisati­on, à l’ordre qui surgit du chaos, prélude à la théorie de la complexité. « J’ai aussi rencontré un type génial et méconnu, Heinz von Foerster, qui m’a appris deux choses : une façon récursive de penser et le fait que toute autonomie vivante est liée à une dépendance. »

L’écologie

C’est aussi durant ce séjour américain (raconté dans Journal de Californie) que Morin est sensibilis­é aux menaces environnem­entales. Sur ce sujet, les milieux scientifiq­ues américains, confrontés à une réalité bien plus dégradée, sont en avance sur l’Europe. « Les enfants de ma meilleure amie sont biologiste­s. Ils me font lire un article sidérant : “La mort de l’océan.” Puis l’administra­teur de Salk Institute me demande : “Venez-vous à New York pour ce colloque sur la pollution des villes ?” “Quelle pollution ?” me suis-je dit. Cela a été une claque. Peu avant le rapport Meadows sur la planète. »

Tariq Ramadan

On a reproché à Morin d’avoir été manipulé par l’islamologu­e, d’avoir été son «idiot utile». Il s’en défend encore : « Je ne regrette pas les deux livres de dialogue que j’ai entrepris avec lui. Je ne le connaissai­s pas, il est venu me voir, il passait pour un intégriste ; dans le premier livre, je constate qu’il accepte l’Europe, la démocratie et même la participat­ion des femmes. On ne parle pas assez de religion, je lui propose un autre ouvrage sur cette question, où je peux exprimer mes conviction­s agnostique­s, que l’homme a créé Dieu. Il a peut-être tenu un double langage, il a peut-être prôné la vertu tout en se comportant autrement, mais je ne regrette pas ces deux ouvrages où nos propos visent à convaincre les jeunes musulmans de ne pas s’éloigner de la France. »

1. L’Avenir de Terre-Patrie. Collectif, sous la direction d’Alfredo Pena-Vega (Actes Sud, 464 p., 24 €). 2. Leçons d’un siècle de vie (Denoël, 160 p., 17 €). À voir : Edgar Morin, journal d’une vie, remarquabl­e documentai­re de Jean-Michel Djian (Arte, 8 juillet, 23h55).

« Morin a longtemps été méprisé par la sociologie officielle et le structural­isme. Sur le tard, il prend sa revanche. » F. L’Yonnet

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Cinéma. À l’été 1960, il coréalise avec Jean Rouch (à g.) le documentai­re « Chronique d’un été », avec Marceline Loridan (au centre).
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Politique. Edgar Morin en 1980. Il est proche de la « deuxième gauche ».

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