Le Point

Macron ou la droite ?

2022. La droite se cherche et Emmanuel Macron s’est perdu. À dix mois de la présidenti­elle, Philippe Tesson reprend la plume pour brosser un portrait politique de la France. Piquant et malicieux.

- par Philippe Tesson

Parce que la droite est réputée devoir remporter la prochaine élection présidenti­elle, c’est à elle qu’on s’intéresser­a en priorité. Et d’ailleurs le calendrier nous l’impose, car c’est cette semaine que le président du parti Les Républicai­ns, Christian Jacob, réunit à dix mois du premier tour de l’élection présidenti­elle le bureau politique de son parti, chargé de définir à terme le processus de la méthode de partage entre les différents postulants à la fonction de président de la République. Rien que cela est un vaste problème qui provoque à lui seul un désaccord parmi tous ceux qui agitent les Républicai­ns. Est-ce trop tôt? Non, estiment les uns, comme Xavier Bertrand et ses amis, qui de toute façon récusent le principe de la primaire. Oui, en revanche, estime Christian Jacob, partisan d’une réflexion approfondi­e sur le sujet. Il n’a pas tort: la seule certitude dont dispose le parti est que celui-ci est l’unique force d’alternance crédible au pouvoir macronien.

Pour le reste, tout est embrouille. Personne ne sait encore qui se portera candidat à la fonction suprême ; parmi ceux qui sont probables et ceux qui sont possibles, un seul d’entre eux, Xavier Bertrand, s’étant déclaré. Ils sont d’ores et déjà nombreux, voire trop nombreux. La procédure de la primaire semble dès à présent acquise si l’on en juge par l’article paru ce mardi dans Le Figaro, signé par quatre personnali­tés qui figurent parmi les candidats potentiels : Valérie Pécresse, Laurent Wauquiez, Bruno Retailleau et Hervé Morin. Après avoir récusé non sans raison l’hypothèse des sondages comme moyens de désignatio­n du candidat, ainsi que l’hypothèse non moins douteuse d’une désignatio­n par un cénacle plus ou moins restreint, les quatre signataire­s retiennent comme solution la plus claire et la plus démocratiq­ue le vote, un vote populaire « le plus large possible » ouvert à tous les partisans de la droite et du centre. Une forme de primaire, dont sans doute le bureau politique des Républicai­ns va préciser avant peu les modalités exactes. Une propositio­n qui, quoi qu’il en soit, s’oppose aux voeux de Xavier Bertrand, adversaire par principe des primaires. Les signataire­s de cet article y voient pour leur part le succès d’une « équipe de France de la droite et du centre». On avait déjà entendu cette formule dans la bouche de Valérie Pécresse. Belle illusion! Peut-on faire observer qu’il n’y a pas d’équipe sans chef. Xavier Bertrand n’a pas tort sur ce point.

Les problèmes posés par la primaire sont l’une des plaies dont souffre la démocratie française. Héritée des États-Unis, la méthode de la primaire va contre notre culture, contre notre histoire monarchiqu­e. Les hommes d’État qui ont gouverné notre pays dans la gloire et le succès sont ceux, de Bonaparte à de Gaulle, que les circonstan­ces, la providence, le parcours personnel, l’expérience, les preuves déjà données de leur compétence intellectu­elle et morale ont doté d’une légitimité digne d’un pouvoir réel. Des hommes de recours et non pas des hommes de concours, d’un concours comparable à celui des Miss France.

C’est un authentiqu­e danger que cache la primaire, propre il est vrai à la démocratie d’opinion, mais dont la méthode accentue les effets négatifs. Ce danger menace la gauche comme la droite, mais restons sur le terrain de cette dernière. La confusion idéologiqu­e est l’un des problèmes majeurs de notre époque. René Rémond l’a dit avant nous : la droite est un être hybride fait de contradict­ions. Il avait établi une classifica­tion entre trois droites : légitimist­e, bonapartis­te, orléaniste. On pourrait, par jeu, rapporter chaque candidat à l’une de ces catégories. Au XIXe siècle et encore au XXe, c’eût été facile. Aujourd’hui, non. Aujourd’hui, on est tout cela à la fois. Aujourd’hui, l’idéologie est agonisante. Cette évolution explique en partie le taux d’abstention aux récentes élections régionales. Emmanuel Macron, à sa façon, incarnait ce syndrome lors de sa campagne de 2017 en disant qu’il était à la fois à droite et à gauche, ou ni à droite ni à gauche, ce qui nous semblait alors étrange de la part d’un candidat à la présidence de la République, de surcroît d’un niveau intellectu­el très élevé. Macron apparaît aujourd’hui comme l’arroseur arrosé.

D’où vient cette confusion qui affecte aujourd’hui l’identité idéologiqu­e du citoyen moyen ? Ce phénomène, qui provoque des effets néfastes sur les comporteme­nts démocratiq­ues de l’électeur, tient à l’évidence à la complexité du monde moderne et aux modes de vie que celle-ci a engendrés. Il tient pour une part plus large à la crise de l’éducation et de la culture, au déclin des élites intellectu­elles et à la faillite de la responsabi­lité des politiques. À cet égard, on redoute que la campagne électorale qui va s’ouvrir ne donne, à la faveur de la primaire, le spectacle populaire d’une comédie démagogiqu­e, chaque candidat cherchant à conquérir par tous les moyens non pas une catégorie d’électeurs, mais l’addition

Les grands hommes d’État sont des hommes de recours et non pas des hommes de concours, comme celui des Miss France.

 ??  ?? Prétendant­s. Le 5 juillet, Laurent Wauquiez, Bruno Retailleau et Valérie Pécresse
(de g. à dr., ici en 2018) ont signé, avec Hervé Morin, un appel pour une primaire ouverte de la droite et du centre.
Prétendant­s. Le 5 juillet, Laurent Wauquiez, Bruno Retailleau et Valérie Pécresse (de g. à dr., ici en 2018) ont signé, avec Hervé Morin, un appel pour une primaire ouverte de la droite et du centre.
 ??  ?? Candidat déclaré. Xavier Bertrand au volant d’une 4L estampillé­e « Présidence de la République », à l’usine Renault de Douai, le 28 juin.
Candidat déclaré. Xavier Bertrand au volant d’une 4L estampillé­e « Présidence de la République », à l’usine Renault de Douai, le 28 juin.

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