Macron cherche son pass de réformateur
Dans son allocution, le président a dessiné une France conquérante et innovante. On se demande encore comment il va concrétiser ce doux rêve.
Occupés à essayer de prendre un rendez-vous sur Doctolib après les annonces d’Emmanuel Macron sur le pass sanitaire, de très nombreux Français ont prêté une attention distraite au volet économique de son allocution télévisée. Cela n’est pas bien grave, car il n’y a eu de ce côté-là aucune surprise. Le président s’est d’abord livré à l’exercice, devenu rituel chez lui, d’autocongratulation, évoquant les 187 000 emplois recréés depuis le début de l’année ou la palme de la nation la plus attractive de nouveau décernée à la France. Sans oublier, bien sûr, sa politique du « quoi qu’il en coûte » à l’origine, selon lui, du « vigoureux rebond » de l’économie, avec une croissance de 6 % qui placera cette année la France « en tête des grandes économies européennes ».
Le « langage de vérité » auquel le chef de l’État se dit tellement attaché amène tout de même à rappeler que la récession a été bien plus forte en 2020 chez nous qu’en Allemagne (– 8 %, contre – 4,8 %). Et à ajouter que sa politique du « quoi qu’il en coûte » va également hisser la France « en tête des grandes économies européennes » dans le classement des pays aux finances publiques les plus dégradées, avec un déficit public de 9 % en 2021 et une dette proche de la barre des 120 % de PIB.
L’urgence sanitaire l’emportant sur l’urgence économique, Emmanuel Macron a annoncé le report de la réforme des retraites à des jours épidémiques meilleurs, en clair pas avant l’élection présidentielle. Cela demande, évidemment, une confirmation scientifique, mais il semblerait que la procrastination soit un des effets secondaires du variant Delta.
Il est, en tout cas, toujours aussi étonnant de constater le décalage entre les ambitions affichées en paroles par le chef de l’État et la modestie des actions engagées dans ce sens depuis quatre ans. Présenter la suppression de l’ENA comme une avancée majeure dans la réforme de l’État témoigne avec force de la minceur de son bilan en la matière. Bref, Emmanuel Macron n’est pas près de se voir délivrer son pass de réformateur.
Le président s’est, par ailleurs, réjoui que la production de paracétamol ait été relocalisée en France. C’est en effet une bonne nouvelle pour tous les Français à qui ses envolées lyriques répétées finissent par donner mal à la tête. Par exemple, quand il proclame : « La volonté que la France doit porter est bien celle-là : reprendre le contrôle de notre destin, garantir à chacune et à chacun des nôtres qu’il pourra retrouver le contrôle de son destin personnel, professionnel, familial et civique. »
Un comprimé de Doliprane est également bienvenu pour soulager la migraine déclenchée par l’intense effort d’imagination qu’il convient de faire pour se retrouver dans le portrait de la France dressé par Emmanuel Macron. Celui d’« une France conquérante », d’« une grande nation, une nation de science, celle des Lumières, de Louis Pasteur », dont les initiatives « contribuent à faire bouger l’Europe et le monde ». Ce n’est malheureusement pas du tout ce qu’indiquent l’échec de Sanofi sur le vaccin et le déficit croissant de la balance commerciale (6,2 milliards d’euros en avril). À écouter les propos oniriques du chef de l’État, on finirait presque par être convaincu que la France va ressortir tellement renforcée de la pandémie qu’elle écrabouillera bientôt la concurrence chinoise, américaine et allemande.
Il faudrait peut-être aussi songer à rapatrier au plus vite la production de tranquillisants et d’anxiolytiques pour éviter de s’énerver inutilement quand Emmanuel Macron explique que, grâce au retour d’une forte croissance, les générations futures n’auront pas à porter le fardeau de la dette financière et qu’il n’est dans ces conditions absolument pas nécessaire de songer à réduire les dépenses publiques. Pour calmer également la crise d’angoisse qu’a provoquée l’annonce par le chef de l’État de nouveaux plans de relance et d’investissement dès la rentrée, et donc de nouvelles dettes. Emmanuel Macron a au moins raison sur un point, rendre la France autosuffisante en médicaments devient une priorité absolue
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Il semblerait que la procrastination soit un des effets secondaires du variant Delta.