Un « bourgeois » comme vous ne l’avez jamais vu
Troquez les menuets de Lully pour une joyeuse fanfare des Balkans, transportez M. Jourdain, classique bourgeois du XVIIe, dans un univers à mi-chemin entre Game of Thrones et Harry Potter, confiez surtout l’interprétation de ce riche benêt au fou furieux Christian Hecq et vous obtiendrez Le Bourgeois gentilhomme le plus foutraque et le plus jouissif qu’on ait représenté depuis longtemps. C’est Hecq lui-même, avec la plasticienne Valérie Lesort, qui signe la mise en scène : et de boums techno en épées volantes, de délirants défilés de marionnettes en changements de décors époustouflants, le public de la Comédie-Française est à la fête deux heures durant. Et puis, aussitôt qu’il apparaît sur scène, son petit corps râblé moulé dans une combinaison grotesque qu’il juge du dernier cri, hasardant avec conviction des déhanchés toujours à contretemps et des passes d’escrime systématiquement ratées, on s’esclaffe mais on l’aime comme jamais, ce M. Jourdain incarné par Hecq. Parce qu’il est indulgent avec son personnage, parce qu’il est ridicule de toute son âme, et donc forcément émouvant, cet immense comédien, comme tous les grands bouffons, donne aux éclats de rire qu’il provoque un petit arrière-goût de larmes. Oh que c’est bon ! ■
Le Bourgeois gentilhomme, mis en scène par Valérie Lesort et Christian Hecq, à la Comédie-Française. Jusqu’au 25 juillet 2021, puis reprise à partir de mai 2022.