Festival de Cannes - La révélation Renate Reinsve
L’émouvante Julie (en 12 chapitres), de Joachim Trier, a remporté le prix d’interprétation féminine du Festival de Cannes.
«Je suis tellement heureuse que le rôle de Julie soit récompensé, nous confiait Renate Reinsve, justeaprèsavoirreçuleprixd’interprétation féminine de ce 74e Festival de Cannes. À travers lui, c’est toute une génération de femmes qui est célébrée. Celle des trentenaires, plus tellement enfants mais pas vraiment adultes, une génération qui, libre de se chercher, de douter, d’hésiter, finit par s’enfermer dans une curieuse spirale métaphysique. » Il faut dire que l’actrice norvégienne de 33 ans a mis beaucoup d’elle-même dans cette Julie, qui signe le grand retour du réalisateur Joachim Trier, dix ans après son poignant Oslo, 31 août – dans lequel Renate tenait déjà un petit rôle. Cette fois-ci, la partition a été écrite pour elle, sur mesure, après plusieurs discussions enflammées avec Joachim, croisé lors de soirées osloïtes.
Le résultat, qui repose en grande partie sur ses épaules, est un petit bijou. Au fil des douze chapitres qui rythment le film tambour battant, Trier brosse le portrait subtil d’une femme d’aujourd’hui. Les tâtonnements de son orientation professionnelle, les déceptions familiales, les errements amoureux… Le désir, la fidélité, la sexualité, la maternité, les différences entre les générations, toutes les questions qui agitent Julie sont explorées à l’aune des grands motifs contemporains : la place des femmes dans la société, celle des hommes après #MeToo, l’écologie, l’invasion numérique. Et c’est toute la force du film : parvenir à dissimuler, derrière la banalité du quotidien, les dialogues crus et percutants, la légèreté d’une bande-son jazzy et de situations dignes des meilleurs Woody Allen, un propos profondément philosophique sur la fatalité, le destin et le sens de la vie. « Je suis moi-même passée par toutes les étapes de Julie, reconnaît Renate, ce labyrinthe de doutes et d’indécisions, puis, progressivement, une certaine sagesse… qui peut être remise en cause à tout moment. »
La comédienne, qui a fait ses débuts au théâtre dans des tragédies russes et dans des comédies pour la télévision norvégienne, déploie dans le film une palette impressionnante. En couple avec Aksel, un auteur de bandes dessinées plus âgé qu’elle – interprété par l’excellent Anders Danielsen Lie, sorte d’alter ego du réalisateur –, la jeune Julie, toujours avide de merveilleux, fait la connaissance d’Eivind (Herbert Nordrum) lors d’une soirée. Ils se plaisent mais sont déjà pris, chacun de son côté. Mais draguer, est-ce tromper ? La scène de séduction où les baisers s’échangent à travers les volutes de fumée de cigarette, comme celle où Trier prend la liberté dans sa mise en scène d’arrêter le temps pour mieux capturer la grâce du coup de foudre, sont déjà cultes.
Si la filmographie de Joachim Trier – Back Home, Thelma – nous avait laissé une impression pour le moins mélancolique, Julie étonne par son éclat et sa luminosité. Avec humour et légèreté, mais aussi un sens du drame dont les cinéastes nordiques ont le secret, Trier redessine avec un talent fou sa carte du Tendre à l’ère des réseaux sociaux. On pense évidemment au succès de la jeune autrice irlandaise Sally Rooney et au portrait de la génération des milléniaux qu’elle brosse dans son best-seller, Normal People. « Sauf que Joachim n’est pas un millénial ! Je trouve formidable qu’aujourd’hui un homme de 47 ans parvienne aussi bien à restituer les méandres de l’existence d’une trentenaire », conclut, amusée, Renate Reinsve. Retenez bien ce nom ! ■
Julie (en 12 chapitres), de Joachim Trier, en salle le 13 octobre.
« Je suis moi-même passée par toutes les étapes de Julie, ce labyrinthe de doutes et d’indécisions… » Renate Reinsve