Roman - Une belle farce pour l’été (Domenico Starnone)
Quand le mari de la supposée Elena Ferrante raconte un week-end familial grinçant…
C’est l’été, la période (bénie) où les enfants sont gardés, le moment des grands-parents et du fameux « chicouf » (« Chic !» ils arrivent, « Ouf ! » ils repartent), et donc celui de pouvoir lire, enfin, La Farce, dernier roman de Domenico Starnone, où il est justement question de relations cocasses entre un grand-père et son petit-fils. Starnone? Le mari d’Anita Raja, soupçonnée d’être la mystérieuse Elena Ferrante, à moins qu’ils ne signent à deux sous ce pseudonyme… Pendant un long week-end, Daniele, dessinateur célèbre mais un peu has been, joue le garde-chiourme de son petit-fils, chez sa fille en pleine crise conjugale. « Mario est complètement autonome », lui assuret-elle avant de filer à son colloque de mathématiques, avec mari (humilié) et amant (au charisme de « protoplasme d’avant l’évolution»). « Quatre dodos » et autant de jours interminables avec « l’enfant » de 4 ans, son esprit vif et tordu, sa repartie prodigieuse. Avant même d’arriver à Naples, il était déjà cramé, ce pauvre Daniele, qui déteste cet appartement où il a passé son enfance. En plus, il y a ces planches à rendre presto à son éditeur. La Farce est une satire tendre et cruelle sur le choc des générations. Du « nonno » scrogneugneu au bambin si malin en passant par le couple à la dérive, qu’ils sont narcissiques, humains et bien balancés, les héros de Starnone ! Comme toujours avec lui, la décomposition des «liens» conjugaux et familiaux est sophistiquée, mais écrite de la plus simple manière ; on dirait du Stendhal passé dans le concasseur de Gordon Lish, l’éditeur obsédé de brièveté de Raymond Carver. Écoutez ça : « Je ne sais pas, ce matin, si j’ai peur pour l’enfant ou peur de l’enfant. » ■
La Farce, de Domenico Starnone, traduit de l’italien par Dominique Vittoz (Fayard, 232 p., 18 €).