Roman - L’une meurt, l’autre pas (Colombe Schneck)
C’est la fin de l’été, deux petites bourgeoises de la Rive gauche se retrouvent au Select. L’une rentre de Grèce, où elle a lu, nagé, pleuré sur sa vie amoureuse. L’autre vient de rencontrer un homme « merveilleux » et annonce qu’elle va mourir – avant de commander des huîtres, « souriante, polie, efficace, comme si la mort ne dînait pas avec elles ». « Je ne vais pas m’en sortir, balance-t-elle à sa vieille copine. Cela m’angoisse beaucoup. » L’incipit du dixième roman de Colombe Schneck, fausse comtesse de Ségur et vraie soeur de Sagan, est une gifle : trois pages rapides et sans fard pour dire que la mort est une hyène qui mord au hasard, sans faire de distinction de classe. Et, puisque l’on connait déjà la fin, Schneck remonte le fil d’une amitié vieille de quarante ans. Études, mariages, enfants, rencontres, carrières, divorces, grâces, disgrâces. Fidèles, gentiment rivales, gâtées mais pas pourries, de la sixième à la cinquantaine, ces deux-là ont apparemment bien mieux fait l’amitié que l’amour. L’amour, justement, est leur sujet de prédilection – le réchauffement climatique, les Kurdes ou les élections, moins. C’est un petit livre doux et franc « sur la bourgeoisie que l’on méprise, l’amitié que l’on mésestime et la mort que l’on cache », écrit Schneck. Mais c’est surtout un récit-sépulcre, mélodique et poignant, où l’autrice confie son amie aux mots, pour qu’ils prennent soin d’elle pour toujours, dans une bibliothèque, cet autre ciel. « De nos morts, il nous reste des images floues, des éclats trop rapides, des souvenirs déjà déformés, leur affection vivante en nous… » Et de jolies pages de littérature ■
Deux Petites Bourgeoises, de Colombe Schneck
(Stock, 148 p., 17 €).