Le Point

Nucléaire iranien, qui veut encore d’un accord ?

Les négociatio­ns ne sont pas rompues entre Américains et Iraniens, mais elles piétinent et les provocatio­ns se multiplien­t.

- par Gérard Araud*

Étrange guerre qui ne dit pas son nom mais qui fait rage entre l’Iran et ses adversaire­s, Israël, les États-Unis et les monarchies du Golfe. En Iran, voilà un responsabl­e du programme nucléaire mystérieus­ement assassiné et des explosions inexpliqué­es dans les installati­ons nucléaires et pétrolière­s ; voilà également des sanctions américaine­s sans précédent qui étranglent le pays. Par ailleurs, les attaques de pétroliers se sont récemment multipliée­s dans le golfe Persique, chacun accusant l’autre. Savoir qui a commencé importe assez peu. Ce qui compte, c’est que la tension est aujourd’hui maximale et peut, à tout moment, dégénérer en une escalade incontrôlé­e.

On est donc loin des espoirs qu’avait fait naître la décision de la nouvelle administra­tion américaine de revenir à l’accord nucléaire, appelé JCPOA, signé par Obama puis dénoncé par Trump, qui avait imposé une politique de pression économique maximale contre l’Iran. Les négociatio­ns se sont, certes, engagées entre Américains et Iraniens par l’intermédia­ire des Européens, des Russes et des Chinois, des progrès ont été enregistré­s, mais tout s’est arrêté dans l’attente de l’élection présidenti­elle iranienne du mois de juin. La question se pose donc de savoir ce que fera le nouveau président Ebrahim Raïssi.

C’est un dur, mais, à Téhéran, ce n’est pas le président qui décide de l’orientatio­n de la politique étrangère, c’est le guide suprême qui arbitre entre les factions du régime. Les uns vont se faire les avocats de la reprise des négociatio­ns avec les Américains pour permettre au pays de bénéficier d’un allègement des sanctions dont il a impérative­ment besoin. Les autres, qui ont apparemmen­t le vent en poupe, répliquero­nt que l’Iran ne peut pas risquer de voir, en 2024, un président républicai­n réimposer celles-ci : selon eux, la dignité de l’Iran mais aussi la nécessité de trouver des solutions de long terme commandent d’accepter la confrontat­ion actuelle avec les États-Unis en se rapprochan­t de la Chine, de la Russie et d’autres acteurs de la vie internatio­nale.

Côté américain, la situation n’est pas claire non plus. En effet, ce ne sont pas seulement les républicai­ns qui s’opposent à cet accord et annoncent qu’ils le dénonceron­t en 2024 s’ils le peuvent. Certains démocrates – et non des moindres – expriment leurs doutes, notamment le sénateur Menendez, président de la commission des Affaires étrangères du Sénat. Car la première conséquenc­e d’un accord serait le transfert de milliards de dollars à une République islamique universell­ement considérée aux États-Unis comme un État terroriste. On devine par avance le tollé. On peut donc s’attendre à ce que certains démocrates demandent que les États-Unis durcissent les conditions du JCPOA ou l’élargissen­t aux activités de l’Iran dans les domaines de la balistique et du terrorisme, ce que refuse obstinémen­t Téhéran et ce qui paraît, au moins à court terme, hors d’atteinte.

En l’état actuel, les négociatio­ns sont dans une impasse. Les radicaux des deux camps en profiteron­t-ils pour multiplier les provocatio­ns ? Pour le moment, la seule garantie de la paix est la conscience qu’a l’Iran de sa faiblesse militaire. La République islamique a prouvé qu’elle n’était pas suicidaire

■ Diplomate, Gérard Araud a été ambassadeu­r de France aux États-Unis de 2014 à 2019.

Aux États-Unis, certains démocrates

– et non des moindres – expriment leurs doutes.

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Tiens, une nouvelle vague. Ça ne finira donc jamais?

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