Nucléaire iranien, qui veut encore d’un accord ?
Les négociations ne sont pas rompues entre Américains et Iraniens, mais elles piétinent et les provocations se multiplient.
Étrange guerre qui ne dit pas son nom mais qui fait rage entre l’Iran et ses adversaires, Israël, les États-Unis et les monarchies du Golfe. En Iran, voilà un responsable du programme nucléaire mystérieusement assassiné et des explosions inexpliquées dans les installations nucléaires et pétrolières ; voilà également des sanctions américaines sans précédent qui étranglent le pays. Par ailleurs, les attaques de pétroliers se sont récemment multipliées dans le golfe Persique, chacun accusant l’autre. Savoir qui a commencé importe assez peu. Ce qui compte, c’est que la tension est aujourd’hui maximale et peut, à tout moment, dégénérer en une escalade incontrôlée.
On est donc loin des espoirs qu’avait fait naître la décision de la nouvelle administration américaine de revenir à l’accord nucléaire, appelé JCPOA, signé par Obama puis dénoncé par Trump, qui avait imposé une politique de pression économique maximale contre l’Iran. Les négociations se sont, certes, engagées entre Américains et Iraniens par l’intermédiaire des Européens, des Russes et des Chinois, des progrès ont été enregistrés, mais tout s’est arrêté dans l’attente de l’élection présidentielle iranienne du mois de juin. La question se pose donc de savoir ce que fera le nouveau président Ebrahim Raïssi.
C’est un dur, mais, à Téhéran, ce n’est pas le président qui décide de l’orientation de la politique étrangère, c’est le guide suprême qui arbitre entre les factions du régime. Les uns vont se faire les avocats de la reprise des négociations avec les Américains pour permettre au pays de bénéficier d’un allègement des sanctions dont il a impérativement besoin. Les autres, qui ont apparemment le vent en poupe, répliqueront que l’Iran ne peut pas risquer de voir, en 2024, un président républicain réimposer celles-ci : selon eux, la dignité de l’Iran mais aussi la nécessité de trouver des solutions de long terme commandent d’accepter la confrontation actuelle avec les États-Unis en se rapprochant de la Chine, de la Russie et d’autres acteurs de la vie internationale.
Côté américain, la situation n’est pas claire non plus. En effet, ce ne sont pas seulement les républicains qui s’opposent à cet accord et annoncent qu’ils le dénonceront en 2024 s’ils le peuvent. Certains démocrates – et non des moindres – expriment leurs doutes, notamment le sénateur Menendez, président de la commission des Affaires étrangères du Sénat. Car la première conséquence d’un accord serait le transfert de milliards de dollars à une République islamique universellement considérée aux États-Unis comme un État terroriste. On devine par avance le tollé. On peut donc s’attendre à ce que certains démocrates demandent que les États-Unis durcissent les conditions du JCPOA ou l’élargissent aux activités de l’Iran dans les domaines de la balistique et du terrorisme, ce que refuse obstinément Téhéran et ce qui paraît, au moins à court terme, hors d’atteinte.
En l’état actuel, les négociations sont dans une impasse. Les radicaux des deux camps en profiteront-ils pour multiplier les provocations ? Pour le moment, la seule garantie de la paix est la conscience qu’a l’Iran de sa faiblesse militaire. La République islamique a prouvé qu’elle n’était pas suicidaire
■ Diplomate, Gérard Araud a été ambassadeur de France aux États-Unis de 2014 à 2019.
Aux États-Unis, certains démocrates
– et non des moindres – expriment leurs doutes.