Le Point

Le mystère des manuscrits volés de Louis-Ferdinand Céline

- FRANÇOIS-GUILLAUME LORRAIN

C’était un mythe. Des inédits, fauchés dans l’appartemen­t de Céline de la rue Girardon après son départ précipité vers l’Allemagne, en juin 1944. Il avait crié comme un putois qu’on les lui rende. On ne l’avait pas cru. Or voilà qu’ils sont réapparus, révèle Le Monde. « On disait qu’il affabulait, que c’était du Céline pur jus, c’était la vérité pur jus », constate l’avocat François Gibault, l’un des deux ayants droit. 240 feuillets d’un texte intitulé La Guerre, 600 pages d’un livre, Casse-pipe, roman qui débute avant la guerre de 1914, dont on n’avait qu’un fragment. Un troisième manuscrit, Londres, couvrant le séjour londonien de 1915. Et un quatrième, La Volonté du roi Krogold, saga moyenâgeus­e retoquée par l’éditeur Denoël après le triomphe de Voyage au bout de la nuit. Et même le manuscrit complet de Mort à crédit, assez différent du texte imprimé. Une révolution dans l’oeuvre.

« Je n’y ai d’abord pas cru. » Quand, le 8 juin 2020, Emmanuel Pierrat a vu débarquer Jean-Pierre Thibaudat, le critique théâtral, déclarant avoir reçu tout cela il y a quinze ans et attendu la mort de la veuve, Lucette Destouches, l’avocat était très sceptique. Il a dû se rendre à l’évidence. Puis il a été question de recel, même si Thibaudat n’en avait pas fait commerce, passant des années à tout classer et retranscri­re en secret. « C’était devenu une drogue pour lui. » Après avoir déposé plainte, les ayants droit, Gibault et Véronique Chovin, ont récupéré le trésor littéraire le 21 juillet. Quelle était la source ? « La famille d’un résistant qui était allé le récupérer chez Céline. L’ensemble est resté soixante ans dans une caisse en bois, prétend Pierrat. Une famille liée au père de Thibaudat, lui-même résistant. D’où la connexion. » D’autres pistes ne sont pas à écarter. D’autres publicatio­ns sont donc à attendre. D’un manuscrit l’autre…

Les Yeux fermés, de Chris Bohjalian, traduit de l’anglais par Caroline Nicolas (Le Cherche Midi, 368 p., 22€)

Les Ahlberg forment une famille parfaite, WASP blonds aux yeux couleur de lune, dans le décor de la Nouvelle-Angleterre. Le père est un professeur célèbre, la mère, brillante, est d’une beauté ahurissant­e, leurs filles sont adorables. Problème : cette mère, Annalee, se lève dans son sommeil lorsque son mari n’est pas là. Elle sort, se déshabille, cherche à assouvir nue les désirs que son Moi, endormi, lui refuse le jour… Au premier matin du roman, Annalee a disparu. C’est autour de cette disparitio­n que se tisse une intrigue, entre la conscience éveillée et les eaux troubles de la nuit. Sa fille aînée, la narratrice, Lianna, nous entraîne sur les sentiers incertains d’un mal tenu secret, sonde le couple de ses parents, aidée – ou non, c’est à voir – par un inspecteur dont les liens intimes avec la mère sèment la confusion. Le suspense tient du génie de Gillian Flynn, le cadre, des brumes de Thomas H. Cook ; et l’on se laisse emporter dans cet excellent thriller atmosphéri­que comme par une nuit de sabbat

 ??  ?? Louis-Ferdinand Céline en 1951, dix ans avant sa mort.
Louis-Ferdinand Céline en 1951, dix ans avant sa mort.
 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France