Quand elle recevait un agent du KGB…
Mars 1991. Valérie Pécresse, russophone, effectue son stage de l’ENA à l’ambassade de France à Moscou. Elle est chargée de recevoir Sergueï Jirnov, journaliste au service culturel de la quatrième chaîne de télévision. Il a réalisé des reportages dans l’Hexagone sur des expositions et interviewé Jack Lang. Comme il parle parfaitement français et que l’URSS est en train de s’effondrer, les diplomates français voient en lui un représentant des futures élites du pays. Ils lui proposent une bourse et l’opportunité exceptionnelle de suivre les cours de l’ENA au titre des « étudiants étrangers ». Après un rendez-vous à l’ambassade, Valérie Pécresse invite à dîner le futur « étudiant » avec les autres jeunes Français qui travaillent pour l’ambassade. Elle le convie aussi à une cérémonie religieuse nocturne organisée pour la fête russe de Pâques. Ce que les Français
n’imaginent pas, c’est qu’ils ont affaire à… un commandant du KGB. Jirnov travaille en réalité pour les services de renseignements comme… espion. Sa couverture de « journaliste culturel » lui permet de voyager en Europe sans éveiller l’attention et d’effectuer de discrètes missions. Il a même été formé à l’Institut Andropov en même temps que… Vladimir Poutine. « Même si Valérie Pécresse n’était pas directement chargée de mon recrutement, je sais qu’elle a regardé quelques-unes de mes émissions et transmis un compte rendu positif à la direction de l’ENA, puisque, quelques semaines plus tard, j’ai reçu mon visa et ma bourse, raconte Jirnov, qui, après chacune de ses rencontres, rédigeait des fiches détaillées sur ses activités. C’était cocasse, je devenais un agent secret non seulement entretenu par le gouvernement sur lequel je travaillais mais à qui on offrait un accès privilégié à la crème de la crème de la fonction publique. » Les relations entre l’espion et la future candidate à l’Élysée se sont pourtant arrêtées là. « Nous nous croisions dans les couloirs de l’ENA, nous échangions un bonjour courtois, un café vite fait », raconte l’ex-espion, considéré aujourd’hui comme un opposant à Poutine. Lorsque Valérie Pécresse a été élue députée en 2005, Jirnov venait de recevoir l’asile politique (sans doute après avoir été débriefé par la DGSE). Il a repris contact avec sa camarade : ils ont échangé quelques e-mails. En 2007, Jirnov félicite de nouveau celle qui est devenue ministre de Nicolas Sarkozy. Mais Valérie Pécresse, qui confirme au Point cette histoire, fait alors envoyer par sa cheffe de cabinet une lettre demandant à Jirnov de cesser tout contact. « J’ai gardé ce courrier. Si un jour elle est présidente, cela vaudra de l’or », s’amuse l’ancien espion